Droits humainsUn rapport de l'ONU accable les Philippines
ATS
4.6.2020 - 16:19
L'ONU estime que les déclarations du président philippin controversé Rodrigo Duterte depuis plusieurs années pourraient avoir violé le droit international. Dans un rapport, elle ajoute que la police a pu falsifier des preuves de certaines exécutions.
Dans le cadre de sa guerre contre la drogue, le président philippin a ordonné depuis plusieurs années de tirer sur les possibles suspects. Dans son rapport publié jeudi à Genève après un mandat du Conseil des droits de l'homme, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme affirme ne pas avoir pu vérifier le nombre d'exécutions extrajudiciaires.
Mais les chiffres contradictoires de la police eux-mêmes mentionnent au moins près de 8700 victimes au total en quatre ans, dont la plupart étaient des hommes. Certaines estimations ont affirmé que le nombre pourrait être trois fois plus élevé.
Le chef de l'Etat est directement mis en cause par les investigateurs de l'ONU. Ses discours, bien que souvent clarifiés par son entourage, pourraient avoir incité à la violence et avoir encouragé des violations des droits de l'homme en toute impunité. Ils pourraient avoir violé le Pacte international des droits civils et politiques.
Mais ce rapport n'est pas «sur le président Duterte, mais sur les Philippines», a précisé à la presse le chef de la région Asie/Pacifique au Haut-Commissariat. La responsabilité de l'Etat est en cause, selon lui.
Presque totale impunité
Les nombreuses violations des droits de l'homme observées «ont continué» avec la pandémie, a expliqué de son côté la responsable du rapport. De la campagne contre la drogue à la répression des défenseurs des droits de l'homme et des opposants. Certains de ceux qui ont remis en cause la réponse du gouvernement au coronavirus ont été inquiétés. Le recours à la force pour faire honorer les quarantaines par les citoyens a également préoccupé, a aussi expliqué la responsable.
De son côté, la police semble avoir falsifié des preuves pendant plusieurs années. L'examen de 25 opérations à Manille qui ont fait 45 victimes entre août 2016 et juin 2017 montre qu'elle a «récupéré des armes» de trafiquants de drogue avec les mêmes numéros de série. Cette situation laisse penser que certains d'entre eux n'étaient pas armés au moment de leur exécution par la police. Les arrestations de suspects de la drogue ont aussi contribué à un taux de surpopulation carcérale de 534%.
En quelques années, près de 250 défenseurs des droits de l'homme, avocats, journalistes ou encore syndicalistes ont été tués. Ces assauts «ont été largement répandus» et «beaucoup» de ces personnes avaient été identifiées avant, ajoute la cheffe des investigateurs.
L'ONU dénonce la quasi impunité face à ces crimes. Une seule condamnation a été prononcée en 2016 pour l'exécution d'un suspect de la drogue. Le Haut-Commissariat demande des investigations indépendantes. L'année dernière, le Conseil des droits de l'homme n'avait pas voté pour des enquêteurs internationaux, contrairement aux demandes d'ONG. La Cour pénale internationale (CPI) a elle entamé une procédure préliminaire.
Collaboration saluée
Autre inquiétude de l'ONU, la nouvelle antiterroriste discutée mercredi au Parlement, si elle entre en vigueur, sera «pire» que les réglementations actuelles, donnant beaucoup de possibilités aux autorités, selon la responsable du rapport. Face à tous ces reproches, le porte-parole de la présidence philippine a lui dénoncé des accusations «infondées» sur l'impunité.
Il a expliqué que les forces de sécurité devaient suivre des règles «strictes» et que ceux qui les violent sont poursuivis. Il a également réfuté toute utilisation du coronavirus pour diminuer les libertés fondamentales dans le pays.
Egalement jeudi, l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), établie à Genève, a salué des indications qui reflètent ses observations. De son côté, Human Rights Watch (HRW) a mentionné une «preuve convaincante» des violations «systématiques» des droits de l'homme. L'organisation a également appelé à nouveau le Conseil des droits de l'homme à lancer des investigations internationales indépendantes.
Pour ce rapport, l'ONU n'a pas eu accès au territoire philippin mais elle s'est dite «surprise» par l'importante collaboration du gouvernement. Le Conseil des droits de l'homme discutera dans quelques semaines de ces composantes.
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