Drame à Séoul Une Vaudoise raconte : «J’ai vu des corps à un mètre de moi»

Nicolas Larchevêque

4.11.2022

Zoé, étudiante vaudoise vivant depuis 8 mois en Corée du Sud, se trouvait dans le quartier d’Itaewon, à Séoul, au moment de la bousculade de Halloween qui a fait de nombreuses victimes. «C’est une situation effrayante quand on voit des personnes se faire réanimer dans la rue», a-t-elle raconté à «blue News». Récit d’une soirée dramatique.

Le récit d’une étudiante vaudoise présente à Séoul

Le récit d’une étudiante vaudoise présente à Séoul

Zoé, étudiante vaudoise vivant depuis 8 mois en Corée du Sud, se trouvait dans le quartier d’Itaewon, à Séoul, au moment de la bousculade de Halloween qui a fait de nombreuses victimes. Récit d’une soirée dramatique...

04.11.2022

Nicolas Larchevêque

La Corée du Sud a connu l’une des pires tragédies de son histoire samedi dernier à Séoul. Une bousculade meurtrière dans le quartier d’Itaewon a fait plus de 150 victimes lors des célébrations d'Halloween. Présente sur les lieux du drame, Zoé s’est confiée à «blue News».

Fort heureusement pour cette Suissesse de 26 ans, elle se trouvait avec des amis à l’intérieur d’un bar à proximité au moment de l’incident. «J’étais en sécurité sur un petit nuage au milieu d’une tornade. Je suis reconnaissante d’avoir eu cette chance», a-t-elle reconnu, elle qui n’a pas été confrontée au mouvement de foule.

«Nous sommes arrivés à la station (de métro) d’Itaewon vers 21h30. Le temps qu’on sorte, il y avait déjà beaucoup de monde. On savait déjà exactement dans quel bar on voulait se rendre, donc ça nous a évité de marcher dans tout Itaewon. Il y avait du monde, mais ça ne bloquait pas. On avançait gentiment. Il y avait même de l’espace car des gens prenaient des photos», s’est souvenu celle qui a grandi dans la Broye.

La soirée a toutefois pris une tournure traumatisante lorsque le show qui se déroulait dans son bar a pris fin. «Nous sommes allées aux toilettes avec une amie. Le bar était tout vitré et plein de personnes regardaient dehors. On a aussi jeté un coup d’oeil et on voyait des gens en train de se faire réanimer. Ce n’était pas 3 ou 4 personnes, mais 30, 40, voire 50 sur tout le long de la vitre (du bar)», se rappelle Zoé.

«C’est une situation déjà effrayante quand on voit des personnes se faire réanimer dans la rue. Mais ce qui était le plus effrayant pour nous est qu’on ne savait pas ce qui se passait. On voyait juste des personnes en réanimation ou... mortes.» Contrairement à d’autres, la Vaudoise n’avait pas installé sur son téléphone l’application alertant la population en cas de catastrophe.

«On voyait, par leur apparence, qu’on ne pouvait plus rien pour eux»

Zoé

Etudiante vaudoise vivant à Séoul

Le devant de l’établissement où elle se trouvait s’est ainsi transformé en un centre médical à ciel ouvert. «Quand ils ont annoncé que deux personnes étaient mortes, on savait déjà que c’était beaucoup plus grave», a-t-elle avoué. «Je voyais les gens qui transportaient les corps. On voyait, par leur apparence, qu’on ne pouvait plus rien pour eux. Ce qui est triste, c’est que les victimes avaient entre 20 et 30 ans.»

«Le plus choquant est quand ils transportaient les corps. Ils ont notamment déposé juste devant moi, à deux mètres derrière la vitre, un jeune garçon, qui devait avoir une vingtaine d’années. Je regardais sa tête et ses pieds sans chaussures. Il était violet, blanc. On voyait qu’il n’allait pas revenir...»

«Il y avait également quelqu’un qui faisait un massage cardiaque à une personne. Une fille était à côté avec sa main sur le corps et a dit à un moment que c’était terminé. Elle pleurait toutes les larmes de son corps», se souvient Zoé.

Malgré la situation préoccupante, une certaine quiétude régnait dans la rue et dans le bar où elle était retenue. «Les gens étaient choqués, mais tout le monde était calme. Par contre, les personnes qui retiraient les corps essayaient d’en sauver le plus possible. Il y avait un moment de panique pour les gens qui allaient porter secours.»

Enfermés dans le bar, Zoé et ses amis ont finalement pu quitter les lieux «calmement» vers 23h30 en passant par les sous-sols de l’établissement et en rejoignant la station de métro d’Itaewon depuis un hôtel à proximité.

Depuis cette tragédie, la police coréenne a notamment été pointée du doigt en raison de son action jugée «insuffisante» en marge des célébrations de Halloween. Mais, malgré ces critiques, Zoé a, elle, tenu à saluer les forces de l’ordre.

«Je trouve que, avec notre ressenti, ils ont fait du bon travail, surtout au niveau de la réactivité au vu de la situation. Ils ont notamment déplacé 140 ambulances et créé un centre hospitalier au milieu d’Itaewon. Même dans les bars, pour nous faire sortir, ils ont bien géré. Le service de bus fonctionnait aussi pour nous ramener à la maison», a-t-elle expliqué.

«Deux élèves de mon école sont décédés»

Zoé

Etudiante vaudoise vivant à Séoul

Mais comment se sent-elle aujourd’hui, quelques jours après cette expérience traumatisante ? «Je n’ai pas du tout de traumatisme. Je n’ai également aucun problème d’en parler. J’ai bien sûr vu des personnes mortes ou en train d’être réanimées à un mètre de moi, avec juste une vitre pour nous séparer. Mais j’ai des amis qui ont été davantage choqués.»

Deux élèves de son école, où elle étudie le coréen, ont notamment perdu la vie dans la bousculade. «J’ai un ami qui m’écrivait sur Instagram pour me dire qu’il avait été sorti par la police de la foule. Il n’arrivait pas à contacter deux de ses amis et il a appris le lendemain matin qu’ils y étaient passés...»

Vivant à Séoul depuis 8 mois, Zoé a, par ailleurs, remarqué un changement de comportement chez la population coréenne. «Ca a changé. Etant donné que c’est encore ‹frais› et que c’est une grosse tragédie pour la Corée du Sud avec beaucoup de jeunes personnes mortes, il y a un peu partout des banderoles avec des messages de condoléances», a-t-elle constaté.

Mais «les gens n’ont pas arrêté de vivre, ils continuent de sortir ensemble. Par contre, c’est très calme et ils n’en parlent pas trop. C’est une forme de respect.» Un deuil national a ainsi été décrété jusqu’au 5 novembre, soit une semaine après le drame.

Pour Zoé, le monde sortira grandi de cette tragédie : «J’espère que les gens à travers la planète auront appris de cet événement et feront mieux. D’ailleurs, en Corée du Sud, ils feront mieux car ils ne veulent pas que ça se reproduise.»