Famille afghane Une vie de château pour une famille afghane exilée dans l'Ain

ATS

21.3.2022 - 10:01

A la sortie du village d'Ambronay, dans l'Ain, il faut emprunter un petit chemin de terre qui s'enfonce vers une plaine verdoyante, où paissent des chevaux et des vaches. Au bout, un château et une famille afghane qui veut laisser le régime taliban aux oubliettes.

Les Karam ont été évacués par la France avant même la prise de pouvoir des talibans à Kaboul, en 2021 (image d'illustration).
Les Karam ont été évacués par la France avant même la prise de pouvoir des talibans à Kaboul, en 2021 (image d'illustration).
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Keystone-SDA

Les Karam ne sont pas passés du statut de réfugiés à celui de châtelains, bien sûr. Ils se sont juste retrouvés «au bon endroit, au mauvais moment», s'amuse le père, Habib Karam, un ancien agent de sécurité pince-sans-rire de l'ambassade de France à Kaboul.

Ce matin frais mais ensoleillé de février, il reçoit l'AFP au saut du lit, dans la dépendance du château où il est hébergé depuis le 1er janvier par ses employeurs avec sa femme Fariba et quatre enfants. Il n'est pas en retard pour autant: le couple vit et travaille sur le domaine de 17 hectares. Lui s'occupe du gardiennage, des petits travaux, elle, du ménage et de la cuisine.

«Jamais je n'aurais pensé me retrouver dans un château un jour. On est très heureux», apprécie le père de famille de 41 ans, qui fait partie des personnes évacuées par la France, avant même la prise de pouvoir des talibans, en 2021.

«On avait vraiment peur parce que je travaillais pour la France», se souvient-il, dans son nouveau salon aux poutres apparentes, où il a accroché un portrait géant d'Aga Khan IV, chef spirituel d'une branche chiite honnie des talibans.

D'abord exfiltrés vers Lyon, où ils ont vécu en centre d'hébergement et obtenu l'asile, les Karam se sont retrouvés à Ambronay au milieu des vaches, des moutons et des chèvres à la faveur d'un concours de circonstances. «On voulait donner une opportunité à une famille, aider concrètement des Afghans» après avoir vu les images du chaos à l'aéroport de Kaboul, explique Léo Schwarshaupt, 20 ans, à l'origine de leur venue.

De la vie

«C'était important que le couple ait envie de travailler» sur ce domaine dont une partie va être transformée en ferme pédagogique, «et qu'il y ait des enfants, pour faire vivre la maison et le village», raconte le gendre des propriétaires, qui s'est tourné vers l'ONG Madera (Mission d'aide au développement des économies rurales).

«C'est la rencontre parfaite entre la demande d'un employeur et celle des réfugiés», se félicite Judith Comolet, chargée de l'insertion chez Madera, qui voit dans les Karam un modèle d'intégration.

«Les grandes villes sont saturées», ajoute-t-elle, vantant les vertus de l'insertion en milieu rural. Celle-ci nécessite toutefois «six mois à deux ans de suivi», car l'isolement comporte aussi des risques. Pour l'instant, les quatre enfants sont scolarisés et les deux grands, majeurs, déjà en formation professionnelle.

Pour Habib et Fariba, les cours de langue qui doivent bientôt commencer seront essentiels, assurent-ils. Habib, lui, se voit rester dans cette commune toute sa vie. Il regarde au loin. «J'aimerais acheter une maison ici», s'aventure-t-il, avant de prendre un air malicieux. «Non, pas le château.»