Vingt-sept militaires vénézuéliens ont été arrêtés lundi après s'être soulevés contre le régime du président Nicolas Maduro, à deux jours d'une manifestation organisée à l'appel de l'opposition pour exiger un gouvernement de transition.
"Pour l'heure, 25 ont été arrêtés sur les lieux" de l'insurrection, dans le nord de Caracas, "et deux ont été arrêtés ailleurs", a déclaré à la presse Diosdado Cabello, le président de l'Assemblée constituante, affiliée au régime. Il a précisé que le leader de cette équipée était le sergent Alexander Bandres Figueroa.
À 02H50 heure locale (07H50 heure suisse), un groupe formé par un nombre indéterminé de militaires de la Garde nationale bolivarienne (GNB) de Macarao (ouest) a déclenché une insurrection, a annoncé l'armée dans un communiqué, assurant avoir la situation sous contrôle.
Selon l'armée, les militaires ont dérobé un "lot d'armes de guerre" dans un poste militaire à Petare (est), puis se sont rendus dans une caserne du quartier de Cotiza dans le nord de Caracas.
"Le peuple, dans la rue!"
Sur une voie d'accès à la caserne, encore dans l'obscurité, les insurgés, armés et visages découverts, ont enregistré des vidéos qu'ils ont ensuite fait circuler sur les réseaux sociaux dans lesquelles ils ont déclaré désavouer le chef de l'État Nicolas Maduro et appelé au soutien de la population.
"Nous sommes des soldats professionnels de la Garde nationale opposés à ce régime que nous désavouons complètement, nous avons besoin de votre soutien, descendez dans la rue", dit un homme qui s'identifie comme un sergent de la Garde nationale dans une des vidéos.
À ses côtés est visible un petit groupe de militaires armés. "Le peuple, dans la rue!", crient-ils. "Vous vouliez que l'armée allume la mèche, nous sommes en train de l'allumer, nous avons besoin de votre soutien", lance un autre.
Élection contestée
Ce soulèvement est intervenu dans le contexte de l'appel de l'opposition à une manifestation mercredi pour réclamer un gouvernement de transition et la convocation d'élections libres. Il s'agira de la première mobilisation d'envergure après les grandes manifestations de 2017, qui ont fait quelque 125 morts.
Reprenant l'offensive ces dernières semaines, l'opposition, majoritaire au Parlement, a déclaré illégitime Nicolas Maduro, investi pour un deuxième mandat le 10 janvier. Cette opposition conteste le résultat de l'élection présidentielle du 20 mai, non reconnu par une bonne partie de la communauté internationale.
La Cour suprême, inféodée au régime, a répliqué lundi en déclarant à son tour illégitime la direction du Parlement. L'institution "n'a pas de direction valide (...) tous ses actes sont donc invalides", selon la décision de la plus haute juridiction du pays.
La semaine précédente, dans une tentative de briser le soutien de l'armée au chef de l'État, le Parlement avait promis une "amnistie" aux "fonctionnaires civils et militaires" qui refuseraient de reconnaître le deuxième mandat de Nicolas Maduro.
Juan Guaido a estimé lundi que les événements de la nuit à Cotiza "montrent le sentiment qui prévaut à l'intérieur" de l'armée. Il a ensuite adressé un message à chaque membre de l'armée via les réseaux sociaux: "Nous ne te demandons pas de faire un coup d'État, de tirer. Bien au contraire, nous te demandons que tu défendes à nos côtés le droit du peuple (...) à être libre", a dit M. Guaido.
L'arrestation des insurgés a permis de "récupérer des armes volées et, en ce moment même, ces individus fournissent des informations aux services de renseignement et à la justice militaire", selon le communiqué de l'armée citant le ministre de la Défense, le général Vladimir Padrino.
"Nous sommes avec eux!"
Après avoir vu les vidéos, des habitants du quartier de Cotiza se sont rassemblés à proximité de la caserne pour offrir leur soutien aux insurgés. Tapant sur des casseroles, ils ont bloqué une route avec des poubelles, avant d'être dispersés par la police et des militaires, ont constaté des journalistes de l'AFP.
"Nous sommes avec eux, s'ils s'unissent à notre pays, nous sommes avec eux, allons dans les rues! Liberté!", a crié une femme. "Nous voulons que Maduro s'en aille, nous sommes fatigués", a clamé un homme.
Des habitants d'autres quartiers nord de la capitale, comme Los Mecedores, ont également affronté les forces de l'ordre, armés de pierres, bâtons et bouteilles. Les personnels anti-émeutes ont répliqué avec des gaz lacrymogènes et des balles en gomme, faisant plusieurs blessés parmi les manifestants, comme l'ont constaté des journalistes de l'AFP.
La nuit tombée, des concerts de casseroles résonnaient dans plusieurs quartiers de Caracas. Des manifestants ont bloqué l'avenue Fuerzas Armadas, au coeur de la capitale, et scandaient en choeur "ce gouvernement va tomber!". Ils ont été dispersés par les forces anti-émeutes.
Mécontentement
Après leur arrestation, les insurgés ont été emmenés à Fuerte Tiuna, le principal complexe militaire du pays, selon des médias locaux.
"Ils sont en train de donner des informations. Ce qu'ils ont dit en premier, c'est qu'on leur avait offert des villas, des châteaux et qu'ils ont été laissés seuls, qu'ils ont été trompés", a tweeté Diosdado Cabello.
Pour Rocio San Miguel, présidente de l'ONG Control Ciudadano, ce soulèvement "peut être décrit comme l'expression d'un mécontentement, qui n'a pas rencontré de réponse dans les autres unités militaires".
L'armée, qui compte 365.000 soldats et 1,6 million de réservistes, a assuré à plusieurs reprises de sa loyauté envers le chef de l'État depuis son investiture.
Deux généraux figurent toutefois parmi les 25 personnes accusées d'avoir organisé le 4 août un attentat au drone contre Nicolas Maduro, et quelque 180 militaires ont été emprisonnés en 2018, accusés de conspirer contre le gouvernement.
Dans un pays où il est difficile d'échapper aux pénuries alimentaires ou de médicaments, plus de 4.300 soldats ont quitté la Garde nationale en 2018, selon un document de l'institution citée par Control Ciudadano.
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