«Coq de combat» Venezuela: la propagande rouleau-compresseur de Maduro

ATS

25.7.2024 - 07:49

Des dizaines de drones dessinent le visage de Nicolas Maduro dans le ciel nocturne de Maracaibo, la capitale pétrolière du Venezuela souvent privée d'électricité. Malgré les comptes d'un pays exsangue, le président sortant ne lésine pas sur les moyens de campagne pour le scrutin de dimanche.

Une femme et son fils marchent dans une rue bordée d'affiches de campagne en faveur du président Nicolas Maduro, qui brigue un troisième mandat, à Caracas, au Venezuela, le mercredi 24 juillet 2024. Les électeurs se rendront aux urnes le 28 juillet pour l'élection présidentielle. (AP Photo/Fernando Vergara)
Une femme et son fils marchent dans une rue bordée d'affiches de campagne en faveur du président Nicolas Maduro, qui brigue un troisième mandat, à Caracas, au Venezuela, le mercredi 24 juillet 2024. Les électeurs se rendront aux urnes le 28 juillet pour l'élection présidentielle. (AP Photo/Fernando Vergara)
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M. Maduro, qui brigue un troisième mandat de 6 ans face à Edmundo Gonzalez Urrutia, ancien ambassadeur donné favori dans les sondages, utilise tous les moyens de l'Etat pour une propagande déjà omniprésente en temps normal, mais qui s'est démultipliée avant la présidentielle.

Spots TV et radio, panneaux d'affichage, fresques murales, écrans des péages, réseaux sociaux, tournées dans le pays, chansons, bandes dessinées, reality-show... L'arsenal est aussi imposant que varié et inventif.

A Maracaibo, les drones dessinent ensuite un coq, nouveau symbole de Nicolas Maduro, puis des images de l'ancien président Hugo Chavez (1999-2013). Sur une immense scène digne d'un concert de rock star, M. Maduro fait des discours promettant la prospérité après des années de crise qui ont plongé le pays dans la pauvreté.

Sur scène, l'homme de 61 ans à l'épaisse moustache ne s'économise pas et chante, danse, saute lors d'un spectacle bien rodé.

Cette «saturation» de l'espace public lui permet de rester dans les esprits «notamment en se vantant d'être l'héritier de Chavez» qui «persiste dans l'imaginaire collectif», explique à l'AFP Leon Hernandez, membre de l'Institut de recherche sur l'information et la communication de l'Université catholique Andrés Bello (UCAB).

Show

Le pouvoir utilise toutes les ficelles pour s'attacher les faveurs du vote. «J'active le bouton», dit-il lors d'un événement à Caracas, et aussitôt, des crédits pour les petites entreprises sont transférés depuis des comptes de l'Etat. Une femme sursaute lorsqu'elle reçoit un message sur son téléphone portable confirmant la transaction!

Nicolas Maduro se décrit désormais comme un «coq de combat». Les experts en communication du président ont créé ce nouveau surnom pour mettre l'accent sur la bonne forme du président comparé à celle de son adversaire Edmundo Gonzalez Urrutia, 74 ans, qui se déplace plus difficilement.

Le pouvoir dicte aussi souvent l'agenda. Il a ainsi ravivé le thème du territoire de l'Essequibo en dispute avec le Guyana pendant des mois.

La présence de M. Maduro à la télévision d'État est permanente, avec des retransmissions plusieurs fois par jour depuis ses meeting de campagne à travers tout le pays. Il se targue d'avoir été dans 250 villes pendant la campagne.

Nicolas Maduro apparaît aussi en super-héros de dessin animé sous le personnage de «Super-bigote» (Super-moustache) qui le dépeint en train de lutter, façon Superman, contre les ennemis du pays, des monstres caricaturés comme des opposants ou l'ex-président américain Donald Trump.

Le chef de l'Etat, ancien chauffeur de bus dans sa jeunesse, apparaît aussi souvent au volant d'un pick-up, discutant avec sa femme, Cilia Flores, des ministres et des fonctionnaires comme s'il était la vedette d'une émission de téléréalité.

Un film sur sa vie a été présenté en avant-première dans un théâtre emblématique de Caracas, en même temps qu'un livre biographique. Un radio-crochet a été programmé sur plusieurs semaines pour sélectionner ses chansons de campagne. «Des heures de télévision, des heures de publicité», souligne M. Hernandez.

Réseaux

La presse, elle, dénonce le blocage de certains portails d'information sur le web, alors que plus de 400 médias ont été fermés en 25 ans de pouvoir chaviste, selon des ONG de défense des journalistes.

Bien que Nicolas Maduro affirme qu'il est «censuré» sur les réseaux, la propagande de l'Etat, aussi bien des clips en sa faveur que des vidéos critiques de l'opposition parfois diffamatoires, est incessante sur des plateformes telles que YouTube.

On peut ainsi voir la leader de l'opposition Maria Corina Machado, déclarée inéligible, avec une «marionnette» à l'effigie de M. Gonzalez Urrutia, ou l'opposition en train de «céder» le pétrole vénézuélien aux Etats-Unis ou de fomenter des complots violents.

Des figures du haut commandement militaire ont diffusé une vidéo montrant Mme Machado et M. Gonzalez s'adressant à des étudiants de l'université, avec en arrière-plan un tableau noir sur lequel figurent des propositions de privatisation de la compagnie pétrolière publique PDVSA et de l'éducation.

L'AFP a vérifié que la vidéo avait été truquée et que le tableau était en fait vide.

Et alors que les affiches avec le visage de M. Maduro couvrent les rues et les avenues de Caracas, l'image d'Edmundo Gonzalez Urrutia semble bannie.

M. Gonzalez n'a donné que peu d'interviews dans les médias nationaux, dans un climat d'autocensure. Pour tenter de contrer la propagande, l'opposition concentre son énergie sur les réseaux sociaux, où elle appelle à la mobilisation pour aller voter.