Mesure radicale Vers l'interdiction des organisations «extrémistes» de Navalny

ATS

16.4.2021 - 21:57

La Russie a lancé vendredi une procédure visant à interdire les organisations de l'opposant incarcéré Alexeï Navalny en les qualifiant «d'extrémistes», Cette mesure radicale peut se traduire par de lourdes peines de prison pour ses partisans.

Alexeï Navalny a survécu de justesse à un empoisonnement à un agent neurotoxique l'année dernière (archives).
Alexeï Navalny a survécu de justesse à un empoisonnement à un agent neurotoxique l'année dernière (archives).
KEYSTONE/AP

Keystone-SDA

Dans un communiqué, le bureau du procureur de Moscou a expliqué avoir demandé à la justice que le Fonds de lutte contre la corruption (FBK) créé par l'avocat de 44 ans ainsi que ses bureaux régionaux soient ajoutés sur la liste des organisations «terroristes et extrémistes» tenue par le Comité national antiterroriste.

«Sous couvert de slogans libéraux, ces organisations s'emploient à créer les conditions de la déstabilisation de la situation sociale et sociopolitique» en Russie, a expliqué le parquet moscovite pour justifier sa décision.

«Les objectifs réels de leurs activités sont de créer les conditions pour changer les fondements de l'ordre constitutionnel, y compris en utilisant le scénario de la 'révolution de couleur'», a ajouté le Parquet.

Dans cette liste contenant pour l'instant 33 organisations, le FBK et les bureaux régionaux de l'opposant côtoieraient par exemple l'organisation djihadiste Etat islamique (EI) ou les Témoins de Jéhovah.

L'inclusion dans cette liste pourrait se traduire par de lourdes peines de prison pour les partisans d'Alexeï Navalny, lui-même condamné en mars à deux ans et demi de prison pour une affaire de fraude remontant à 2014, largement vue comme un prétexte pour l'emprisonner.

L'opposant est en grève de la faim depuis plus de deux semaines, accusant les autorités de lui refuser des traitements médicaux adéquats pour des problèmes de dos dans sa prison.

En 2017, les Témoins de Jéhovah avaient été déclarés extrémistes par la Cour suprême russe et eux aussi interdits. Depuis, plusieurs membres de cette communauté religieuse ont été condamnés à des peines allant jusqu'à six ans ferme et les perquisitions les visant se sont multipliées à travers la Russie.

Répression judiciaire

«Poutine vient d'annoncer une répression politique massive», a réagi sur Twitter un de ses proches collaborateurs, Leonid Volkov.

Dans un communiqué, lui et le directeur du FBK Ivan Jdanov ont ajouté n'avoir aucun doute sur la décision du «tribunal de Poutine» mais assuré qu'ils «continueront (leur) travail pacifiquement, publiquement, efficacement».

Fondé en 2011, le FBK a déjà eu ses avoirs gelés en 2019 et reçu de multiples amendes, notamment pour n'avoir pas correctement déclaré être «agent de l'étranger», désignation vague visant toute organisation bénéficiant de financement étranger et exerçant une «activité politique».

Le FBK est connu pour de nombreuses enquêtes visant les malversations et le train de vie des élites russes. La plus retentissante, diffusée sur YouTube en janvier, accusait Vladimir Poutine de s'être fait construire un «palais» mirifique sur les bords de la mer Noire. Virale, la vidéo a été vue plus de 115 millions de fois.

Cette annonce n'est qu'une étape de plus dans la répression visant la bête noire du Kremlin et son entourage.

Depuis son retour en Russie et son arrestation immédiate en janvier, après cinq mois de convalescence en Allemagne où il se remettait d'un empoisonnement, les procédures judiciaires visant Alexeï Navalny se sont multipliées et tous ses proches sont en détention ou assignés à résidence.

Vendredi, un tribunal russe a condamné à deux ans de prison ferme un de ses collaborateurs travaillant pour le FBK, pour la publication de deux tweets jugés «extrémistes».

Jeudi, son alliée Lioubov Sobol a écopé d'une peine avec sursis, accusée d'avoir violé le domicile d'un agent présumé du FSB, les services de sécurité.

Les manifestations de soutien pour Alexeï Navalny après son arrestation ont été marquées par plus de 11.000 arrestations à travers toute la Russie. La répression s'est aussi abattue sur les médias ayant pris la défense de l'opposant.

La police a ainsi perquisitionné mercredi la rédaction d'un journal étudiant et le domicile de quatre de ses rédacteurs qui avaient réalisé une vidéo de soutien.