Résistance Vers une guerre d'usure, un mois après une entrée russe ratée

ATS

24.3.2022 - 07:42

Après avoir échoué à remporter des gains rapides au début de l'invasion de l'Ukraine, l'armée russe demeure en quête de victoires militaires décisives un mois après son entrée en guerre. Elle semble s'engager dans une guerre d'usure dévastatrice pour les populations civiles.

Des militaires ukrainiens se reposent à l'intérieur d'un bunker à la périphérie de Kiev, en Ukraine, le dimanche 20 mars 2022. (image d'illustration)
Des militaires ukrainiens se reposent à l'intérieur d'un bunker à la périphérie de Kiev, en Ukraine, le dimanche 20 mars 2022. (image d'illustration)
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Keystone-SDA

D'après Washington, la Russie a amplifié ces derniers jours ses opérations aériennes et navales dans le pays face à la résistance des forces ukrainiennes, qui continuent de freiner l'avancée ennemie.

«Ce que nous voyons, c'est une tentative désespérée des Russes de reprendre de l'élan», constatait en début de semaine un haut responsable du Pentagone, alors que les forces russes restent bloquées à 15 km au nord-ouest de Kiev et 30 km à l'est de la capitale, cible de bombardements réguliers.

Entrée en guerre ratée

La prise de Kiev paraissait être l'objectif numéro un des Russes, quand ils ont franchi la frontière, le 24 février, en vue de faire tomber le régime du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Mais de l'avis unanime des experts occidentaux, les 150'000 à 200'000 hommes mobilisés par le président russe Vladimir Poutine ont raté leur entrée en guerre.

La Russe a présumé d'une faible résistance de leurs adversaires – un échec cuisant du renseignement russe – et a négligé les besoins logistiques. Lacune tactique majeure, les militaires russes n'ont pas réussi à établir leur supériorité aérienne dans le ciel ukrainien.

En outre, «il y a une absence chez les Russes d'une vraie politique de commandement et de conduite», souligne un ancien haut gradé français. Il constate un manque de coordination entre forces aériennes et terrestres et des frappes russes de faible précision.

Si le nombre de militaires tués est impossible à vérifier, les estimations n'en restent pas moins vertigineuses: les Russes auraient perdu plus de 7000 soldats en un mois, selon des sources du renseignement américain citées par le New York Times, soit un chiffre supérieur aux pertes américaines combinées en Irak et en Afghanistan.

Kiev, de son côté, affirmait le 12 mars avoir perdu 1300 militaires ukrainiens, un chiffre sans doute en deçà de la réalité.

Terroriser et démoraliser

Faute d'avancées significatives, l'offensive russe semble s'être muée en guerre de sièges, visant à terroriser et démoraliser les Ukrainiens, dont 10 millions ont fui leur foyer.

«Plus l'infanterie russe patine, plus l'armée monte en gamme dans la brutalité des actions et l'usage disproportionné de l'arme aérienne», s'inquiète auprès de l'AFP une source européenne proche de l'OTAN. «Il faut un accord à Poutine, donc, il lui faut des victoires».

À défaut d'en avoir pris le contrôle, les Russes bombardent sans relâche les centres urbains du nord-est, comme Kharkiv, la deuxième ville du pays, tout en appliquant une pression croissante sur les villes de l'est et du sud. Mykolaïv (sud-ouest), dernier verrou stratégique avant le port d'Odessa, continue d'être pilonné.

À Marioupol (sud), grande ville portuaire assiégée et bombardée depuis des semaines, quelque 100'000 habitants restent bloqués dans des ruines jonchées de cadavres, manquant de tout. L'acharnement est révélateur du poids stratégique de la ville pour les Russes: s'emparer de Marioupol leur permettrait d'établir un pont terrestre entre leurs forces en Crimée, au sud-ouest, et les territoires séparatistes prorusses du Donbass à l'est.

Destructions accrues

Dans cette région, les Russes comptent encercler les forces ukrainiennes pour les couper du reste du pays. «Le prochain chapitre de ce conflit risque d'être encore plus laid, car il risque de tourner à la guerre d'usure, avec des bombardements accrus sur les zones civiles. Les forces russes vont probablement essayer de compenser leurs faibles performances par plus de destructions», estime Michael Kofman, du centre de réflexion américain CNA.

Faute de solution négociée, «la guerre d'usure est le scénario le plus vraisemblable, avec des tactiques de siège et de bombardements renforcés, comme à Alep ou Grozny», renchérit William Alberque, de l'International Institute for Strategic Studies (IISS), qui met en garde contre la tentation de pousser Kiev à accepter au plus vite un cessez-le-feu, sous la pression d'opinions publiques occidentales horrifiées par les images des destructions et des populations prises au piège.

«Notre souhait de mettre un terme aux souffrances des Ukrainiens pourrait aider les Russes. Ils utiliseront un cessez-le-feu pour reconstituer leurs forces», affirme-t-il à l'AFP, en craignant que le conflit s'installe dans la durée.