Etats-Unis Violence policière: colère relancée

ATS

24.9.2020 - 06:24

Des manifestants en colère sont descendus mercredi dans les rues de diverses grandes villes américaines pour dénoncer un traitement judiciaire selon eux bien trop clément visant des policiers. Ils ont tué en mars l'Afro-Américaine Breonna Taylor à Louisville.

Deux agents de police déployés vers 20h30 locales sur les lieux d'une des manifestations «ont été blessés par balle. Ils sont en train d'être soignés à l'hôpital», a déclaré le chef par intérim de la police de Louisville, Robert Schroeder, lors d'une conférence de presse.

Leur état était stable et leur vie n'était a priori pas menacée, mais l'un a subi une intervention chirurgicale, a-t-il précisé, et un suspect a été interpelé. Le bureau du FBI à Louisville a indiqué mener l'enquête.

Plus tôt, quelques centaines de personnes rassemblées sur Jefferson Square, une place du centre-ville, avaient été dispersées par la police peu avant l'heure du couvre-feu, instauré à 21h00 locale (03h00 jeudi en Suisse).

Agents pas poursuivis

Des manifestations ont spontanément éclaté dans plusieurs villes du pays, secoué depuis des mois par une vague de mobilisations antiracistes, notamment à New York, Boston, Washington ou encore Philadelphie.

Aucun des trois agents qui avaient fait irruption chez Breonna Taylor, en enfonçant la porte de son domicile, n'a été poursuivi pour son homicide.

Brett Hankison, seul membre du trio policier finalement visé par une charge, est seulement poursuivi pour mise en danger de la vie d'autrui, en raison de ses tirs qui ont traversé l'appartement de voisins de la victime, a annoncé mercredi le procureur du Kentucky. Aucun chef d'inculpation n'a été retenu contre ses deux collègues, Jonathan Mattingly et Myles Cosgrove, qui sont pourtant les auteurs des tirs qui ont tué l'Afro-Américaine.

Une décision «scandaleuse et insultante», selon l'avocat de la famille de la jeune femme, Ben Crump.

«Breonna Taylor mérite qu'il lui soit rendu justice», a déclaré à l'AFP Decorryn Adams, une jeune femme parmi les manifestants à Louisville, réclamant que sa «vie ne soit pas en danger simplement à cause de la couleur de (sa) peau».

Etat d'urgence

Avant l'annonce de mercredi, la municipalité avait décrété l'état d'urgence. Un important dispositif policier était en place et plusieurs personnes ont été arrêtées dès l'après-midi.

Donald Trump a déclaré «prier pour les deux agents de police blessés» et s'être entretenu avec le gouverneur démocrate Andy Beshear, avec qui il s'est dit prêt à travailler. Ce dernier a appelé, dans un message vidéo, les habitants à «rentrer chez eux».

L'infirmière avait été tuée en pleine nuit à son domicile le 13 mars quand les trois policiers s'y étaient présentés munis d'un mandat d'arrêt.

A leur arrivée, son compagnon avait ouvert le feu avec une arme détenue légalement. Les agents avaient riposté et Breonna Taylor avait été atteinte de plusieurs balles. Son compagnon a ensuite expliqué avoir cru à un cambriolage, les agents ne s'étant pas annoncés. Eux assurent s'être présentés, une version corroborée par un témoin, selon le procureur de l'Etat Daniel Cameron.

L'agent Hankison a tiré dix balles, dont plusieurs ont terminé leur course dans l'appartement voisin de celui de Breonna Taylor, «mettant trois personnes en danger grave de blessures physiques ou de mort», a expliqué le procureur.

Légitime défense

Quant aux deux policiers non inculpés, qui avaient été mis à pied, l'enquête a conclu à la légitime défense. Cela «nous empêche de les poursuivre pour la mort de Breonna Taylor», a dit le procureur.

«Je sais que ces charges annoncées aujourd'hui ne satisferont pas tout le monde», a-t-il admis, avouant avoir eu «une discussion difficile» avec la famille de Breonna Taylor.

Selon les médias locaux, Brett Hankison s'est présenté dans une prison de la région puis a été remis en liberté après avoir payé une caution fixée à 15'000 dollars, une somme très basse comparée à d'autres cas similaires. Licencié par la police de Louisville en juin, il risque jusqu'à 15 ans de prison.

«Honte»

«Ma soeur, le système pour lequel tu travaillais si dur t'a laissée tomber», a réagi sur Instagram Juniyah Palmer, la soeur de Breonna Taylor. Selon l'avocat Ben Crump, il s'agit d'«un nouvel exemple d'absence de responsabilité pour le génocide des gens de couleur perpétré par des policiers».

«C'est ironique et typique que les seuls chefs d'inculpation de cette affaire concernent des coups de feu tirés dans l'appartement d'un voisin blanc», alors qu'une personne de couleur a été tuée, a-t-il ajouté.

De nombreux responsables démocrates ont dénoncé la décision de mercredi, à l'image du sénateur Bernie Sanders la qualifiant de «honte».

L'adversaire de Donald Trump à la présidentielle, Joe Biden, a dit «comprendre la frustration», mais a dans le même temps appelé au calme: «la violence n'est jamais acceptable», a-t-il déclaré dans un communiqué.

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