Nouvelle-Calédonie Emeutes d'une violence «inouïe», les autorités appellent au calme

ATS

14.5.2024 - 09:28

Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a lancé mardi un appel à «la raison et au calme» après les émeutes d'une violence «inouïe» qui ont dévasté Nouméa lundi. Ces violences se sont produites pendant l'examen par les députés français d'une révision constitutionnelle décriée par les indépendantistes.

De la fumée s'élève au loin à Nouméa le 14 mai 2024, lors de manifestations liées à un débat sur un projet de loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral pour les prochaines élections dans le territoire français d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie. - Après des scènes de violence d'une "grande intensité" - véhicules brûlés, magasins pillés, affrontements entre manifestants et forces de l'ordre - le couvre-feu a été décrété à Nouméa, à 17 000 kilomètres de Paris, alors que les indépendantistes du territoire français d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie s'opposent à une révision constitutionnelle dont ils craignent qu'elle ne "minimise encore plus le peuple autochtone kanak". (Photo Theo Rouby / AFP)
De la fumée s'élève au loin à Nouméa le 14 mai 2024, lors de manifestations liées à un débat sur un projet de loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral pour les prochaines élections dans le territoire français d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie. - Après des scènes de violence d'une "grande intensité" - véhicules brûlés, magasins pillés, affrontements entre manifestants et forces de l'ordre - le couvre-feu a été décrété à Nouméa, à 17 000 kilomètres de Paris, alors que les indépendantistes du territoire français d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie s'opposent à une révision constitutionnelle dont ils craignent qu'elle ne "minimise encore plus le peuple autochtone kanak". (Photo Theo Rouby / AFP)
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Le représentant de l'Etat français dans ce territoire d'Océanie, Louis Le Franc, a rapporté mardi «des tirs tendus avec armes de gros calibre, des carabines de grande chasse, sur les gendarmes», tout en précisant devant la presse qu'il n'y avait «pas eu de morts». Il a ajouté que des habitants de Nouméa avaient été sortis de leurs habitations avant que leurs «domiciles soient brûlés».

M. Le Franc a appelé au calme, le gouvernement local «à la responsabilité de tous les Calédoniens (...) Nous leur demandons d'utiliser toutes les voies et les moyens à leur disposition pour ramener à la raison et au calme», a-t-il écrit dans un communiqué.

Ne pas «hypothéquer l'avenir»

«Toutes les raisons des mécontentements, des frustrations et des colères ne sauraient justifier de mettre à mal ou de détruire ce que le pays a pu construire depuis des décennies et d'hypothéquer l'avenir», a-t-il ajouté.

Les pompiers de Nouméa ont dit avoir reçu près de 1500 appels dans la nuit de lundi à mardi et être intervenus sur environ 200 feux. Selon un regroupement patronal, une trentaine de commerces, d'usines et d'autres entreprises ont été incendiés.

Mardi, les rues de Nouméa et de sa banlieue étaient parsemées de carcasses de voitures incendiées et de restes fumants de pneus et de palettes, selon un correspondant de l'AFP sur place. Même si la situation était plus calme mardi, de nombreuses barricades restaient actives.

Dans la banlieue de Nouméa, un supermarché, forcé à la voiture-bélier pendant la nuit, continuait d'être pillé par la population, selon le journaliste.

Couvre-feu décrété

Un couvre-feu a été décrété de mardi 18h00 à mercredi 06h00 (09h00 à 21h00 suisses mardi), a annoncé M. Le Franc. Tout rassemblement est interdit dans le grand Nouméa, de même que le port d'armes et la vente d'alcool dans l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie, indiquent ses services, qui invitent les 270'000 habitants du territoire à rester chez eux.

Le gouvernement calédonien a annoncé la fermeture des lycées et collèges jusqu'à nouvel ordre. L'aéroport international est fermé et la compagnie Aircalin a suspendu ses vols pour la journée de mardi.

Elargissement du corps électoral

Les émeutes ont éclaté lundi en marge d'une manifestation indépendantiste contre le texte examiné par l'Assemblée nationale à Paris, qui vise à élargir le corps électoral pour les élections provinciales.

Conformément à la Constitution, le corps électoral de ce scrutin est en effet gelé: il se limite essentiellement aux électeurs inscrits sur les listes lors du référendum d'autodétermination de 1998 et à leurs descendants, excluant de facto les résidents arrivés après 1998 et de nombreux natifs.

Un électeur sur cinq est ainsi privé du droit de vote aux élections provinciales, cruciales dans ce territoire où les provinces exercent de nombreuses compétences transférées par l'Etat français.

Pour le ministre français de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin, qui a porté cette réforme constitutionnelle, cette disposition «n'est plus conforme aux principes de la démocratie» et «mène à l'absurde».

Deux camps s'opposent: les non-indépendantistes sont favorables à la réforme, alors que les indépendantistes y voient un passage en force de l'Etat pour «minoriser encore plus le peuple autochtone kanak», qui représentait 41,2% de la population de l'île lors du recensement de 2019, contre 40,3% dix ans plus tôt.

Débat tendu

A l'Assemblée nationale, Gérald Darmanin a appelé les députés à adopter sans modification la réforme, qui ouvre le scrutin provincial aux résidents installés depuis au moins dix ans sur l'île.

Alors qu'un vote solennel était normalement prévu mardi après-midi, les débats n'ont toutefois pas pu être menés à leur terme dans la nuit, en raison d'un grand nombre d'amendements déposés notamment par le groupe Insoumis.

Après celle du Sénat, l'approbation de l'Assemblée est nécessaire pour faire cheminer ce texte, avant de réunir le Parlement en Congrès pour réviser la Constitution, à une date qui reste à fixer. Prônant l'apaisement, le président Emmanuel Macron a promis dimanche de ne pas convoquer le Congrès «dans la foulée» du vote de l'Assemblée, selon son entourage, pour «privilégier le dialogue».