Les Chiliens votaient dimanche sur leur nouvelle Constitution. Ce référendum tombe un an après l'éclatement d'un soulèvement social d'une ampleur inédite qui a remis en cause le modèle économique accusé de bénéficier seulement aux plus riches.
Les bureaux de vote ont ouvert à 08h00 et fermeront à 20h00, soit deux heures de plus que d'ordinaire pour éviter les attroupements en raison de la pandémie de coronavirus. En milieu de matinée, l'affluence était déjà très importante devant les centres de vote de la capitale.
Après avoir voté tôt dans un quartier aisé de Santiago, le président conservateur Sebastian Piñera a appelé les Chiliens à se rendre aux urnes «parce que chaque voix compte». «Il faut rejeter la violence et prendre le chemin de l'unité», a-t-il ajouté.
Remplacer la Constitution héritée de la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990) était une des revendications des manifestants descendus dans la rue à partir du 18 octobre 2019 pour réclamer une société plus juste.
Les 14,7 millions d'électeurs sont appelés à répondre à deux questions: «Souhaitez-vous une nouvelle Constitution ?» et «Quel organe devra rédiger la nouvelle Constitution ?» Ils peuvent choisir entre une «Convention mixte constitutionnelle» composée de citoyens et de parlementaires, et une «Convention constituante» formée uniquement de citoyens.
Réformes sociales
Pour les partisans du «Apruebo» (J'approuve), essentiellement dans l'opposition du centre et de gauche, une nouvelle Constitution lèverait un obstacle essentiel à de profondes réformes sociales, dans un pays parmi les plus inégalitaires d'Amérique latine.
«Depuis le début de la constestation, c'est la première véritable opportunité que nous ayons pour qu'il y ait des changements dans la santé, l'éducation...«, explique Pilar Matus, une professeure de 47 ans. Elle va aussi voter pour la «Convention constituante» citoyenne, un système «plus inclusif» selon elle.
Les défenseurs du «Rechazo» (Je rejette), qui rassemblent les partis les plus conservateurs, estiment qu'il est possible d'introduire des changements dans le texte fondamental sans avoir besoin de le remplacer. Le texte fondamental a été le garant selon eux de la stabilité du Chili ces dernières décennies.
Selon les derniers sondages, le «Apruebo» l'emporterait à hauteur de 60 à 75%, mais la pandémie du coronavirus laisse planer l'incertitude sur la participation.
Favorable au pouvoir conservateur
Jusqu'à cette date, aucune tentative de remplacement du texte fondamental n'avait abouti: la Constitution avait été rédigée en 1980 de sorte que les franges conservatrices de la société puissent se maintenir au pouvoir, y compris après la fin de la dictature.
«Le premier objectif de ce processus constitutionnel est de sortir de l'ombre de la dictature de Pinochet (...) d'avoir une nouvelle Constitution sans le péché originel d'avoir été élaborée sous la contrainte», explique à l'AFP Marcelo Mella, politologue de l'Université de Santiago.
Le deuxième objectif, ajoute-t-il, est de " pouvoir résoudre par des moyens politiques et pacifiques les problèmes devenus structurels et qui paralysent le fonctionnement de la démocratie chilienne», tels que l'inégalité et l'exclusion.
Conséquence de la pandémie et hasard du calendrier : initialement prévu le 26 avril, le scrutin a été repoussé au 25 octobre. Il se déroule donc un an jour pour jour après le rassemblement historique de la Plaza Italia, au centre de Santiago, lorsque 1,2 million de personnes s'étaient retrouvées à l'épicentre des manifestations, marquant un tournant dans la contestation.
Jusqu'à l'éclatement de la crise, le Chili était loué comme un des pays les plus stables d'Amérique latine, encensé pour ses bons résultats macro-économiques. Déclenchée par une hausse du ticket de métro à Santiago, la contestation a été nourrie par la colère de la population dénonçant la déconnexion des élites face au quotidien difficile du plus grand nombre.
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