Une nouvelle tentative d'évacuer des civils du port stratégique ukrainien de Marioupol, assiégé par les troupes russes, est prévue dimanche, tandis que l'Ukraine a dit craindre une offensive sur la cité portuaire d'Odessa, sur la Mer noire.
Au 11e jour de l'invasion russe de l'Ukraine, plus d'1,5 million de personnes ont déjà fui le pays, selon l'ONU. Des centaines de civils ont aussi été tués et aucun signe d'accalmie ne se dessinait.
Au contraire, la Russie «se prépare à bombarder Odessa», un port de près d'un million d'habitants, a accusé le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dénonçant un potentiel «crime historique» contre cette ville animée, toute proche de la frontière moldave où affluent les réfugiés.
Dans le sud-est du pays, à Marioupol, sur la mer d'Azov, un couloir humanitaire devait être effectif à 12h00 locales (11h00 heure suisse) pour permettre l'évacuation de civils jusqu'à la ville de Zaporojie, à environ trois heures de route, selon la municipalité.
Près de trois heures plus tard, la cité n'avait pas fait de point sur la situation, tandis qu'un commandant séparatiste prorusse, Edouard Bassourine, a accusé, cité par l'agence russe TASS, les troupes ukrainiennes de ne pas respecter le cessez-le-feu mis en place temporairement.
La municipalité de Marioupol, elle, a diffusé sur Telegram la vidéo d'un «convoi humanitaire» de plusieurs bus allant vers la ville. Marioupol est sous «blocus humanitaire» et connait une situation «très difficile» avec des «milliers de blessés» à la suite de bombardements russes, a affirmé samedi soir son maire Vadim Boïtchenko, sur Youtube.
Ses 450'000 habitants n'ont ni eau ni nourriture, ni chauffage ni électricité, selon Laurent Ligozat, de l'ONG Médecins sans frontières (MSF). La situation y est «catastrophique».
Kiev en ligne de mire
Les soldats russes se rapprochent également de Kiev, où ils rencontrent une résistance tenace.
Si la capitale a été épargnée dans la nuit de samedi à dimanche par les bombardements, d'intenses combats ont lieu dans sa périphérie, selon l'administration régionale ukrainienne. «Ils bombardent les zones résidentielles – écoles, églises, grands immeubles, tout», se désole Natalia Dydenko, une comptable de 58 ans, qui fuit Irpine, non loin de Kiev.
À Bilogorodka, à 25 km à l'ouest de la capitale, des soldats ukrainiens surveillent un pont entièrement miné, le dernier encore debout menant à Kiev. «Si on voit des Russes avancer, nous le ferons sauter (...) avec le plus de tanks ennemis possible», assure à l'AFP l'un d'eux.
Selon l'administration ukrainienne, les combats continuent aussi à Tcherniguiv, ville à 150 km au nord et pilonnée depuis plusieurs jours par l'aviation russe, devenue un paysage de dévastation.
Moscou avait évoqué mercredi la mort de 498 soldats russes et 2870 morts côté ukrainien. Kiev fait état dimanche de plus de 11000 soldats russes tués, sans mentionner ses propres pertes militaires. Des chiffres impossibles à vérifier de manière indépendante. Pour sa part, l'ONU a confirmé la mort de 351 civils et plus de 700 blessés, un bilan qui est «sans doute bien plus élevé car les vérifications sont en cours».
L'armée ukrainienne a annoncé une «contre-offensive» de ses troupes dans la région de Kharkiv (est), dans le collimateur depuis plusieurs jours des troupes russes. «Toute tentative de l'ennemi de pénétrer» à Kharkiv a échoué et ses convois militaires ont été «entièrement détruits», a affirmé le maire de la ville, Oleg Synegoubov.
L'exode se poursuit
La cohue s'est emparée des gares dans les villes menacées par l'armée russe, femmes et enfants cherchant à partir après des adieux déchirants avec leurs maris et pères restant pour se battre. «Nous envoyons nos femmes et nos enfants à Lviv, peut-être plus loin, et nous restons ici (...) c'est une situation horrible», confie à Dnipro (centre) Andrey Kyrytchenko, un maçon de 40 ans.
Selon l'ONU, plus de 1,5 million de personnes se sont déjà réfugiées à l'étranger depuis l'invasion de l'Ukraine, et plus d'un million sont déplacées à l'intérieur du pays.
Cet exode suscite une forte mobilisation, notamment dans les Etats voisins comme la Moldavie, où le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken se trouvait dimanche, après s'être rendu samedi en Pologne. Washington compte mobiliser 2,75 milliards de dollars (2,51 milliards d'euros) pour cette crise humanitaire.
En outre, les Etats-Unis travaillent de manière «très, très active» sur un accord avec la Pologne pour l'envoi d'avions de guerre à l'Ukraine, selon M. Blinken, alors que M. Zelensky en réclame depuis plusieurs jours.
Efforts diplomatiques
Sur le front diplomatique, samedi, Vladimir Poutine a reçu pendant près de trois heures le Premier ministre israélien Naftali Bennett, qui a proposé sa médiation.
«Même s'il y a peu de chances de réussite, (...) je vois comme un devoir moral de tout tenter», a affirmé dimanche Naftali Bennett, qui s'est entretenu la veille au téléphone avec M. Zelensky avant de se rendre à Berlin pour rencontrer le chancelier allemand Olaf Scholz.
Et le président français Emmanuel Macron devait parler à M. Poutine, qui s'est de son côté entretenu avec son homologue turc.
Selon les autorités ukrainiennes, une troisième session de négociations avec les Russes aura lieu lundi, bien que les chances d'un accord paraissent infimes.
De son côté, Vladimir Poutine a averti samedi considérer «comme une participation au conflit armé» la mise en place par tout pays d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de l'Ukraine.
L'Otan s'y refuse pour l'instant, de peur de se retrouver entraînée dans un affrontement direct avec la Russie.
Les sanctions occidentales, qui affectent lourdement le secteur économique et financier russe, «s'apparentent à une déclaration de guerre», a aussi affirmé le président russe.
Si elle ne se plie pas à ses exigences, l'Ukraine pourrait perdre son «statut d'Etat», a-t-il aussi menacé. Moscou réclame notamment un statut «neutre et non nucléaire» pour le pays et sa démilitarisation, ce que Kiev, qui cherche à adhérer à l'Union européenne et à l'Otan, juge inacceptable.
Arrestations en Russie
Les entreprises étrangères continuent massivement de quitter la Russie. Dernières en date: les géants américains des cartes bancaires Visa et Mastercard, qui ont annoncé samedi la suspension de leurs opérations en Russie. Les cartes Visa et Mastercard émises par les banques russes ne fonctionneront plus à l'étranger, et inversement.
Le système de paiement PayPal a lui aussi suspendu ses services en Russie.
En Russie, la Banque centrale a demandé dimanche aux banques de ne plus publier leurs bilans financiers. Le rouble s'est effondré après l'instauration des sanctions internationales contre Moscou et certaines des plus grandes banques russes ont été coupées du système interbancaire international Swift.
Les autorités russes multiplient les mesures tous azimuts pour freiner la fuite des capitaux et craignent l'apparition d'un marché noir alimentaire.
La compagnie aérienne Aeroflot a pour sa part annoncé la suspension de ses vols internationaux à partir du 8 mars. Le régulateur de l'aviation russe, Rossaviatsia, a recommandé à toutes les compagnies du pays de cesser les vols vers l'étranger afin d'éviter la saisie de leurs appareils.
Malgré une omerta dans les médias russes sur la guerre en Ukraine imposée par les autorités, des manifestations se sont tenues en Russie, menant à l'arrestation de plus de mille personnes dimanche, selon l'ONG russe OVD Info.
En signe de soutien avec l'Ukraine, les manifestations se multiplient aussi en Europe, avec des dizaines de milliers de personnes réunies dans les capitales européennes et aussi en Suisse.