Danse contemporaine La Ribot à la Comédie de Genève pour sa 58e Pièce distinguée

ats

9.12.2022 - 10:00

La Ribot vient danser avec sa compagnie à la Comédie de Genève dès vendredi et pendant tout le week-end. Elle propose «DIEstinguished», sa 58e Pièce distinguée, un projet fou lancé il y a trente ans visant à créer 100 pièces courtes et en direct.

La chorégraphe La Ribot sort le grand jeu à la Comédie de Genève dès vendredi soir.
La chorégraphe La Ribot sort le grand jeu à la Comédie de Genève dès vendredi soir.
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On l'appelle La Ribot: c'est le nom de son père. Elle a un prénom: Maria. En Espagne, c'est ainsi que l'on appelle les diva et les femmes du peuple.

Au cinéma dans «Last dance»

On a vu La Ribot cet été, et depuis dans les salles, grâce au film «Last Dance» de la réalisatrice helvético-belge Delphine Lehericey: elle y joue son propre rôle, celui d'une chorégraphe espagnole de danse contemporaine, en exagérant le trait.

La Ribot, installée depuis le début des années 2000 à Genève, rentre de Louvain. La rencontre avec Keystone-ATS, quelques jours avant le début du spectacle «DIEstinguished», se déroule dans une loge de la Comédie de Genève où la chorégraphe s'est installée sur un canapé orange.

«Delphine Lehericey a saisi un point de vue sur la danse contemporaine que j'ai beaucoup apprécié: drôle, beau et poétique, explique l'artiste. La danse contemporaine n'est pas une forme extérieure qui s'ancre dans le corps: c'est plutôt un besoin d'expression qui vient de l'intérieur».

Si c'est la première fois que La Ribot jouait sur grand écran dans «Last Dance», la chorégraphe, dont la démarche imbrique danse et art contemporain, a intégré la recherche vidéo à son travail depuis longtemps. Pour «DIEstinguished», les danseurs porteront des caméras «comme des extensions de leur corps» et produiront des images que les spectateurs pourront suivre sur leur téléphone portable. «J'essaie de rendre l'expérience de la danse accessible».

Le projet de toute une vie

La Ribot a lancé son projet des «Pièces distinguées» il y a 30 ans en 1993. «C'est un projet de toute une vie», explique-t-elle dans un français qui flirte avec l'espagnol. Elle a décidé arbitrairement qu'elle créerait 100 performances courtes en direct: «c'était une façon de se projeter dans l'avenir».

La 58e Pièce distinguée, qu'elle propose à Genève, est «une exception car elle dure plus d'une heure». Pour ce spectacle, elle a beaucoup travaillé sur deux concepts, ceux de la transformation permanente et de la saturation.

Arrivera-t-elle au bout de son projet de créer 100 pièces? «Pour moi, DIEstinguished – dont le titre contient le mot «die» (mourir) -, c'est la dernière de la série. Je crois que je vais arrêter. Mais ce n'est sans doute pas vrai et probablement que je continuerais»,

Actuellement, il existe 58 Pièces distinguées regroupées en 7 séries ou spectacles, soit environ neuf heures si elles étaient mises bout à bout.

Le corps comme une toile

Jouant avec la nudité dès ses débuts, elle utilise le corps comme «une toile sur laquelle je peux dessiner, attacher, coller. Je travaille beaucoup avec l'aspect 'art visuel' de la danse. C'est peut-être par là que les Pièces distinguées ont changé ou proposé une façon différente de voir la danse contemporaine.»

Car avec ce projet fou et sa démarche artistique, la chorégraphe est déjà entrée dans l'histoire de la danse contemporaine. «La Ribot fait le lien entre la performance et le 'live art'», peut-on lire dans le livre «Danse et contemporain» de Rosita Boisseau et Christian Fattinoni. Et l'artiste a déjà reçu les plus hautes distinctions comme le Lion d'Or de la Biennale de Venise en 2020 pour l'ensemble de son oeuvre après le Grand Prix de la danse en Suisse l'année précédente.

D'une certaine manière, La Ribot a donné un côté plus accessible à la danse contemporaine. Elle travaille souvent avec des personnes qui ne sont pas des danseurs. «Les corps autres que ceux des danseurs m'ont toujours beaucoup intéressés». Elle aime voir comment la danse naît dans la tête et dans les corps des danseurs amateurs.

La Ribot travaille encore avec des danseurs professionnels en situation de handicap: elle a monté en 2018 le spectacle «Happy Island» avec les danseurs de la compagnie Dançando com a Diferença, basée sur l'île de Madère.

Un milieu en pleine effervescence

Comment juge-t-elle la vitalité de la danse contemporaine? «Ce milieu est en pleine effervescence, estime-t-elle. La danse apparaît dans des lieux ou des médias où elle n'avait pas ses entrées auparavant.»

Et elle cite un ami, l'ancien directeur du musée de la mode à Paris Olivier Saillard: «C'est une discipline de transmission, de la connaissance et de la pratique. La danse ne peut pas se vendre parce qu'on ne peut pas la matérialiser.»

A la Comédie de Genève du 9 au 11 décembre, les Romands pourront encore voir «DIEstinguished» au Théâtre Vidy-Lausanne du 20 au 22 janvier et au Théâtre Les Halles Sierre les 3 et 4 mars. La première a eu lieu au Théâtre populaire romand (TPR) à La Chaux-de-Fonds fin septembre, en co-accueil avec ADN – Danse Neuchâtel. Ce spectacle est également lauréat du concours Label+ romand – arts de la scène 2020.