CultureLausanne: l'Art Brut expose deux artistes fascinés par l'écriture
mabr, ats
13.6.2024 - 15:32
La Collection de l'Art Brut à Lausanne propose deux expositions parallèles mettant en lumière les oeuvres du Fribourgeois Pascal Vonlanthen et du Bernois Clemens Wild. Outre leur nationalité, ces deux artistes ont en commun d'évoluer actuellement dans un atelier de création, et de faire dialoguer étroitement écriture et image.
mabr, ats
13.06.2024, 15:32
13.06.2024, 15:37
ATS
Atteint du syndrome de l’X fragile, Pascal Vonlanthen est né à Rossens, dans la ferme familiale il y a 67 ans. Bien que sa déficience intellectuelle ne lui ait jamais permis d'apprendre à lire ni à écrire, il voue une passion à l'écriture. «Adolescent, il avait des cahiers entiers de signes et de dessins qu'il emportait avec lui», a raconté jeudi la commissaire de l'exposition Teresa Maranzano lors de la visite de presse.
Pascal Vonlanthen commence à fréquenter l’atelier d'art différencié fribourgeois CREAHM en 1998. A cette époque, il se consacre à la représentation d'animaux de la ferme, souvent stylisés, qui «flottent dans la composition ou sont alignés comme une sorte d'écriture figurative.»
Nuées de lettres
Une quinzaine d'années plus tard, l'écriture refait surface dans son oeuvre. Un jour, il s'inspire d'un quotidien gratuit qu'il se réapproprie. L'écriture devient un élément dominant dans son art. «Parfois, un mot est reconnaissable, mais très vite l'écriture devient abstraite, ondulatoire, semblable à un vol d'étourneaux, puis se fige», observe la commissaire. «Parfois des volumes ou des résurgences de formes animalières s'y mêlent».
L'"écriture asémique» du Fribourgeois a fait parler d'elle en 2017, lorsque le New-Yorkais Jason Wu, connu comme le styliste de Michelle Obama, s'en est inspiré pour une collection de vêtements. Malgré ce succès international, «Pascal Vonlanthen a poursuivi sa création, imperturbable comme Forrest Gump», sourit Teresa Maranzano.
«Ken Loach de l'Art Brut»
Né à Berne dans une famille de libraires, Clemens Wild, 59 ans, a pour sa part «baigné dans les livres et l'amour de l'art» dès son plus jeune âge. Malgré des séquelles au niveau de la vue et de l'élocution en raison d'une naissance difficile, il maîtrise l'écriture et «imagine très jeune des récits fictifs qu'il écrit et dessine en BD».
Son oeuvre exposée à l'Art Brut porte sur la «galerie de femmes au destin cabossé, mais dignes et sans complexe» qu'il dessine et à qui il donne voix sur du papier Kraft ou des sacs en papier. Ces personnages féminins imaginaires qui «partagent des métiers humbles, une position sociale précaire et des origines lointaines», tout en gardant des ambitions et des loisirs lui ont été inspirés par les femmes qu'il côtoie depuis plus de 40 ans à la fondation bernoise Humanushaus.
«Chacune a sa personnalité, avec des choix vestimentaires extraordinaires, même s'il ne s'agit que d'habits de travail», pointe Teresa Maranzano. Clemens Wild possède une «habileté chromatique incroyable et parvient à faire ressortir ces personnes invisibilisées par la société», poursuit la commissaire qui voit en lui une sorte de «Ken Loach de l'Art Brut» de par son regard sur la société et son discours sur la marginalisation.
Colloque international
Plusieurs événements sont prévus en marge de ces deux expositions, à voir jusqu'au 27 octobre. Un colloque international, le 30 septembre, s'intéressera aux ateliers de création comme potentielles nouvelles sources de l'art brut, une rencontre avec Clemens Wild aura lieu le 10 octobre, tandis que plusieurs ateliers destinés aux enfants, se dérouleront dès la fin juin.