Sur les quais de Montreux «Les gens n'achètent plus sans réfléchir»

Valérie Passello

8.7.2022

Flâner le long des quais pour faire des emplettes dans les différentes échoppes fait aussi partie de la tradition lors d'une visite au Montreux Jazz Festival. Après deux ans d'absence, les commerçants sont de retour, mais les habitudes des clients ont un peu changé, constatent-ils. Reportage.

Après le Covid, le public est de retour au Montreux Jazz Festival, mais les habitudes de consommation ont changé, constatent les commerçant qui tiennent des échoppes sur les quais.
Après le Covid, le public est de retour au Montreux Jazz Festival, mais les habitudes de consommation ont changé, constatent les commerçant qui tiennent des échoppes sur les quais.
VP

Valérie Passello

Les friteuses diffusent déjà leurs premiers effluves au coeur de Montreux. Des amoureux dégustent des churros au chocolat sur des transats, alors que le flot incessant de visiteurs s'écoule sur les quais.

Ici, monsieur essaie un chapeau pendant que madame hésite à s'acheter un collier. Là, une petite fille patiente sagement pendant qu'une dame africaine tresse sa chevelure blondinette. Plus loin, un caricaturiste attend un minois à croquer. Quelques notes éloignées se perdent dans la touffeur de ce jeudi après-midi.

Tout semble redevenu comme avant, en marge du Montreux Jazz Festival. Avant le Covid. Avant la fameuse pause de deux ans imposée par la pandémie. Tout? Pas exactement, rectifie Francisco, un artisan qui confectionne des bijoux sur place: «C'est la cinquième année que je viens ici. Le public est un peu différent, les gens font plus attention, ils n'achètent plus sans réfléchir. S'ils hésitent, ils reviennent plusieurs fois avant d'acheter», raconte-t-il.

«Bien sûr, il y a des rustres, des alcooliques, des mangeurs de saucisses et des ignorants...»

Plus loin, c'est le même son de cloche sous la grande tente de Rosana Valle, tenue par Alcibiades: «On voit les répercussions du Covid, beaucoup de visiteurs ne semblent pas tout à fait à 100%», constate-t-il.

Rentable?

Un chance, l'édition 2022 de l'événement-phare montreusien se tient, jusqu'ici, sous un soleil radieux. «La grosse tempête que l'on nous annonce chaque année a eu lieu pendant la nuit, cette fois!», se réjouit Francisco. S'il reconnaît prendre un risque en se payant une place au bord du Léman, le bijoutier affirme néanmoins s'y retrouver financièrement. Et il reste philosophe: «Dans la vie, aller vers l'inconnu et prendre des risques est toujours avantageux», sourit-il.

Les stands sont ouverts de midi à minuit pendant le festival. Pour les commerçants, l'investissement en temps est aussi conséquent. Mais pour cet artiste -qui nous demande de le nommer «Samosaràm» dans l'article- le rendez-vous est incontournable: «Je dois sûrement être le plus vieil exposant, cela fait au moins trente ans que je viens! Chaque année, j'ai des amis qui reviennent me trouver. Ce sont des gens d'ici, mais aussi de New York ou de Zurich... Bien sûr, il y a des rustres, des alcooliques, des mangeurs de saucisses et des ignorants, mais j'en fais abstraction pour me concentrer sur toutes les gentilles personnes qui me rendent visite.»

«C'est quand même l'entrée principale de notre travail d'artisans»

Sur son étal trônent de belles étoffes et différents objets venus d'Asie. Mais est-ce rentable de tenir un tel stand pendant le Montreux Jazz Festival? Réponse de ce personnage haut en couleurs: «Oui, je fais des affaires, mais moi j'appelle ça de 'petits miracles'. D'ailleurs je ne suis pas commerçant, je suis un artiste, un 'outsider', une brebis galeuse!» Arrive alors une poignée de «personnes gentilles», prouvant que «Samosaràm» n'a pas menti: accolades, embrassades, sourires; nous laissons l'artiste à ses retrouvailles. 

De son côté, Alcibiades articule quelques chiffres:« Il faut compter plus ou moins 4000 frs pour les deux semaines, mais aussi une personne qui dort sous la tente toutes les nuits -à 80 frs la nuit- car il y a beaucoup de voleurs. Et c'est sans compter les différentes structures que l'on doit monter pour exposer notre marchandise. Avant, on jetait les supports, maintenant on les garde pour l'année suivante, car tout devient plus cher».

Fervent défenseur de l'artisanat local, ce Sud-Américain vivant à Montreux tente de se démarquer avec ses créations inédites, comme des tabourets fabriqués à partir de vinyles recyclés et des bijoux originaux. Il expose également les toiles d'un artiste du coin. Et même si les visiteurs sont un peu plus réticents à ouvrir leur porte-monnaie cette année, Alcibiades est heureux de pouvoir réouvrir son stand: «C'est quand même l'entrée principale de notre travail d'artisans, la visibilité de notre concept et de notre implication sociale. Les deux dernières années ont été dures».