Musique Les luthiers: un métier qui fait toujours rêver

ats

30.12.2022 - 10:00

Alors que les Fêtes de fin d'année battent le plein avec leur cohorte de concerts, les ateliers de luthiers n'ont pas chômé pour ajuster ou réparer un instrument à la dernière minute. Rencontre avec une luthière et un luthier dans un atelier de Genève.

Les luthiers Helene Monziès et Kaspar Maurer viennent de déménager dans leur nouvel atelier à Genève.
Les luthiers Helene Monziès et Kaspar Maurer viennent de déménager dans leur nouvel atelier à Genève.
ATS

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Hélène Monziès et Kaspar Maurer travaillent à la rue de la Ferme à Genève où ils viennent de déménager leur atelier de luthiers. Elle devrait prochainement reprendre l'enseigne car Kaspar Maurer est sur le point de partir à la retraite.

L'atelier Maurer se consacre à la restauration, à la location et à la vente de violons, d'altos, de violoncelles ainsi qu'à l'entretien des archets. Cela pourrait changer car Hélène Monziès n'exclut pas l'idée de reprendre la fabrication d'instruments.

Le travail ne manque pas à Genève pour les huit ateliers de luthiers que compte la ville. La présence de deux grands orchestres, l'Orchestre de la Suisse romande et l'Orchestre de Chambre, joue sans aucun doute un rôle central.

A ces deux orchestres prestigieux s'ajoutent des orchestres amateurs: «la communauté liée aux organisations internationales est très friande de culture et de musique», explique Kaspar Maurer. Sans oublier les étudiantes et étudiants du Conservatoire et autres écoles de musique.

Les luthiers, des mélomanes

Les luthiers, des mélomanes, sont pour la plupart d'abord des musiciens: c'est la pratique d'un instrument qui fait comprendre l'importance de la sonorité, des réglages, relève Kaspar Maurer, qui ne déroge pas à la règle. Il a suivi des cours au Conservatoire de la Place Neuve à Genève pendant cinq ans.

Trop âgé pour les écoles européennes de lutherie, le Biennois d'origine est ensuite parti se former à Salt Lake City aux Etats-Unis pendant trois ans. Il ouvrira son local à Genève en 1986 après avoir d'abord travaillé dans un grand atelier à Brême en Allemagne.

Hélène Monziès, d'origine française, rejoindra son atelier en 2006. Elle a commencé à jouer enfant avec son grand-père: il lui a offert ses premiers petits violons qu'"il bricolait lui-même».

Vers l'âge de 16 ans, son prof de musique l’a obligée à amener son instrument chez un luthier. Ce fut une révélation pour l'adolescente, qui a décidé ce jour-là de devenir luthière. Elle est entrée par la suite dans la seule école suisse de lutherie, celle de Brienz dans le canton de Berne.

A contre-courant de l'époque, «beaucoup de jeunes s'intéressent à ce métier, mais seuls deux à trois élèves sortent de Brienz chaque année», explique la luthière de 42 ans. Mais les écoles sont nombreuses dans les pays voisins.

«Nous avons de la chance, car nous travaillons dans un domaine où l'on peut difficilement nous remplacer par des robots, poursuit Kaspar Maurer. Des machines très sophistiquées parviennent à réaliser certains éléments, mais pour le travail spécifique sur chaque instrument, il reste humain et artisanal. C'est chaque fois différent – il nous montre un violoncelle – et une machine ne peut pas le faire.»

«Les musiciens et les amateurs aiment ces instruments, même si c’est une pratique exigeante et difficile à maîtriser. C’est ce qui donne la passion du jeu», explique Kaspar Maurer.

«Cela ressemble à une méditation»

Le luthier tente une comparaison: «Cela ressemble à une méditation, à un travail sur soi. Et du point de vue cognitif, cela demande énormément au cerveau de produire un son en lisant une partition.»

«La pandémie n'a pas seulement incité les gens à se tourner vers le livre mais aussi à ressortir leur instrument de l'armoire, a dit Hélène Monziès. Du coup, nous n'avons pas vraiment connu la crise quand tout a fermé.»

Les deux luthiers continuent de jouer dans des orchestres de chambre amateurs. Kaspar Maurer n'a pas de compositeur préféré: «celui que je suis en train de travailler», répond-il en guise de pirouette. Hélène Monziès aime les suites de Bach, mais joue actuellement dans un registre tout à fait différent: «du Piazzolla dans un petit orchestre.»

Kaspar Maurer rêve de terminer deux instruments avant de partir à la retraite. «Ils attendent depuis plus de 20 ans que je les finisse.» La retraite ne lui fait pas peur, car il a de nombreux autres projets: « Je vis dans un écoquartier où il y a fort à faire», sourit-il.