Le gouvernement belge a présenté mardi sa feuille de route pour restituer à la République démocratique du Congo (RDC), son ancienne colonie, des milliers d'objets culturels. Ceux-ci ont été acquis abusivement, particulièrement lors des violences commises sous le règne de Léopold II entre 1885 et 1908.
«L'heure est venue pour la restitution au Congo d'objets spoliés par la Belgique et qui appartiennent au peuple congolais», a affirmé Thomas Dermine, secrétaire d'Etat chargé de la Politique scientifique, lors d'une conférence de presse au Musée royal de l'Afrique centrale à Tervuren, près de Bruxelles.
C'est le «point de départ» d'un processus qui pourrait durer plusieurs années. Il a présenté le nouveau cadre juridique arrêté en juin par le gouvernement belge pour délester les collections de ce musée national de ses objets «acquis de façon illégitime», par la violence des militaires et mercenaires belges ou par des «transactions commerciales non équitables».
«On connaît très bien les vendeurs d'objets et parfois ceux qui les ont collectés, ce sont souvent des Occidentaux, mais on a très peu d'éléments sur les interlocuteurs congolais qui ont été mêlés de gré ou de force à ces acquisitions», a fait valoir la chercheuse Agnès Lacaille, qui travaille au musée pour identifier ces biens mal acquis.
Vision décolonisée de l'Afrique
Ouvert en 1898, ce lieu était considéré à l'origine par le roi Léopold II comme un outil de propagande, vantant aux Belges le large éventail des richesses du Congo (masques, instruments de musique, mais aussi minéraux, insectes etc).
Rénové dans les années 2010, cinquante ans après l'indépendance de 1960, il entend désormais offrir «une vision contemporaine et décolonisée de l'Afrique». Mais ses collections comportent toujours des objets et restes humains ramenés dans des conditions suspectes, dont plusieurs milliers pourraient être concernés par une restitution selon la direction du musée.
Le cadre légal prévoit de transférer du domaine public de l'Etat au «domaine privé» tous les objets mal acquis ou soupçonnés de l'être, seul moyen pour qu'ils puissent être à terme cédés à un tiers, en l'occurrence l'Etat congolais. Deux axes de travail doivent être poursuivis en parallèle: «accélérer les études de provenance» au musée (pour identifier les abus), et engager les discussions avec les autorités congolaises pour connaître leurs revendications.
Selon M. Dermine, il s'agit d'"organiser le transfert de propriété», qui pourra intervenir avant la remise elle-même. L'objet cédé par la Belgique et destiné à retourner en RDC pourra être stocké un temps à Tervuren moyennant «une convention de dépôt».
«Le dialogue entre les deux pays est le fil rouge de la démarche puisque le transfert matériel des objets doit s'inscrire dans un cadre diplomatique bilatéral», a souligné ce socialiste francophone. A terme, une liste d'objets à restituer pourrait trouver sa place dans le texte législatif qui résultera des travaux de la commission sur le passé colonial créée au Parlement en 2020.