«L'excitation est à son comble»Ariane 6, une vitrine pour le secteur spatial suisse
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5.7.2024 - 10:16
Les entreprises helvétiques du secteur spatial sont sur le pied de guerre en prévision du lancement de la fusée Ariane 6 mardi prochain. Si en matière d'emploi, l'importance de cette industrie est limitée en Suisse, les technologies et les innovations développées ici sont hautement stratégiques et s'inscrivent dans un marché en pleine expansion.
05.07.2024, 10:16
ATS
«L'excitation est à son comble, alors que nous nous préparons pour le lancement d'Ariane 6. C'est une étape capitale pour l'Europe dans l'exploration spatiale et la technologie des lanceurs», s'enthousiasme auprès de l'agence AWP Aude Pugin, directrice générale d'Apco Technologies à Aigle, qui fabrique les attaches inférieures et le nez des boosters du lanceur.
«Ariane 6 est une réponse directe aux besoins du marché mondial des lancements de satellites, où la compétitivité est essentielle. Avec des coûts réduits et une flexibilité accrue par rapport à Ariane 5, nous sommes désormais en mesure d'offrir des solutions de lancement plus abordables et adaptables, ouvrant la voie à de nouvelles opportunités commerciales et scientifiques», explique-t-elle.
La coiffe de la fusée qui traversera l'atmosphère le 9 juillet a été fabriquée à Emmen par Beyond Gravity, anciennement Ruag Space. «Ariane 6 a été développée pour offrir un lanceur capable de placer des satellites classiques ou des constellations, à un coût raisonnable», explique André Wall, directeur général de Beyond Gravity.
«Le design initial de la fusée a été modifié plusieurs fois pour répondre aux besoins spécifiques du marché, tel que l'opportunité de lancer l'une des plus grandes constellations: Amazon Kuiper». Ce projet vise à lancer 3236 satellites en orbite terrestre basse pour fournir un accès internet à haut débit. Après le lancement d'Ariane 6, le «prochain grand défi pour tous les partenaires est de rapidement augmenter les capacités de production», ajoute M. Wall.
«Au sein de Beyond Gravity, 95% des recettes générées dans le secteur spatial sont réalisées à l'étranger. Deux tiers sont même générés par les filiales de Beyond Gravity hors de Suisse», explique M. Wall.
«La Suisse est une nation du spatial et un partenaire fiable de l'Agence spatiale européenne (ESA) depuis ses débuts. Notre compétence dans la recherche, la compétitivité de nos petites et moyennes entreprises et le dynamisme de nos jeunes pousses dans ce secteur sont les fruits de l'argent public injecté par notre pays, puisque 80% des contributions sont reversées via des contrats avec des entités suisses», déclare à AWP Grégoire Bourban, directeur de Space Exchange Switzerland, une plateforme nationale destinée à encourager le développement de cette industrie.
«Nous avons beaucoup à gagner de notre expertise dans le secteur spatial, d'autant plus depuis le développement du 'New space', ou spatial commercial, depuis une dizaine d'années et la révolution enclenchée par Elon Musk et SpaceX, entre autres», ajoute-t-il.
Un succès conditionné
«L'excellence de la recherche et la capacité de transfert à l'industrie se matérialise par les très nombreuses start-ups suisses qui ont vu le jour au cours des dernières années. Swissto12 par exemple propose de révolutionner la communication des satellites géostationnaires avec leurs instruments radiofréquence imprimés en 3D. Ils ont déjà généré des commandes pour plus de 200 millions d'euros et comptent désormais plus de 120 employés», explique M. Bourban.
Des entreprises établies, à l'instar de l'industriel schaffhousois Georg Fischer, sont également de la partie. «A chaque lancement, nous contribuons à une vingtaine de composants. Participer à des projets de pointe comme Ariane 6 renforce la position de notre division Moulage (...) et démontre notre capacité à produire des pièces massives à la géométrie extrêmement complexes», explique un porte-parole. Ces dernières sont exclusivement produites en Suisse.
Mais le rayonnement de la Suisse, qui arrive en septième position des pays contributeurs à l'ESA, est tributaire de la participation à des programmes européens. «A mesure que le secteur spatial prend une place de plus en plus stratégique, le risque est de voir les besoins de l'UE passer en priorité, avec le risque d'isoler la Suisse», prévient M. Bourban.
Pourtant, le marché regorge d'opportunités: «Les perspectives sont multiples au vu des axes de croissance et des technologies émergentes qui vont redéfinir notre manière de travailler. Notamment, les constellations de satellites en orbite basse, comme celles de Starlink, OneWeb et Kuiper, sont en pleine expansion. Ces projets révolutionnent l'accès à internet avec une couverture globale dans les régions les plus reculées du monde», explique Mme Pugin.