Une experte prévientFace à ces super-agents pathogènes, le Covid pourrait sembler «insignifiant»
tmxh/Trad
14.5.2024
Le monde est-il menacé par une catastrophe médicale ? Des super-agents pathogènes multirésistants pourraient coûter des millions de vies. À tel point qu'en comparaison, la pandémie de Covid paraîtrait «insignifiante», prévient une experte.
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14.05.2024, 08:30
Maximilian Haase
La pandémie de Covid pourrait sembler «insignifiante» par rapport à ce qui menace l'humanité avec le nombre croissant de super-agents pathogènes résistants aux médicaments. La personne qui met en garde contre ce scénario d'horreur n'est pas n'importe qui: il s'agit du professeur Sally Davies, anciennement Chief Medical Officer du Royaume-Uni et actuelle envoyée spéciale britannique pour les résistances antimicrobiennes.
Les germes multirésistants pourraient rendre la médecine moderne inutilisable et coûter des millions de vies, avertit Davies avec insistance, comme le rapporte le Guardian britannique. «Il pourrait y avoir de nombreuses personnes atteintes d'infections impossibles à traiter. Nous devrions isoler les gens pour les empêcher de contaminer leurs familles et leurs communautés. C'est un scénario vraiment catastrophique. En comparaison, les aspects du Covid-19 sembleront insignifiants», alerte la spécialiste dans le journal.
«J'ai vraiment peur»
L'ancienne conseillère médicale en chef du pays parle également de son expérience personnelle : il y a deux ans, elle a perdu sa filleule à cause d'une infection qui ne pouvait pas être traitée. Elle souffrait de mucoviscidose et avait déjà subi deux transplantations pulmonaires lorsqu'elle a été infectée par le mycobacteroides abscessus, qui résistait au traitement.
Dans un entretien avec le «Guardian», la médecin se montre pessimiste quant à l'avenir si le monde ne résout pas le problème de la résistance aux antimicrobiens dans les années à venir. Le sujet est «plus aigu» que le changement climatique, affirme Davies.
«Si nous ne faisons pas de progrès significatifs au cours des dix prochaines années, j'ai vraiment peur», affirme l'experte. Sans le développement de nouveaux traitements, le problème «persistera pendant des décennies et ne disparaîtra pas». Elle ajoute : «Nous savons que les virus s'éteignent en général et que l'on développe normalement une immunité collective, mais ce n'est pas le cas ici».
Déjà 1,2 million de morts chaque année
La résistance antimicrobienne (AMR) signifie que certaines infections causées par des bactéries, des virus, des champignons et des parasites ne peuvent plus être traitées avec les médicaments disponibles. L'exposition à ces médicaments permet aux agents pathogènes de développer une capacité de résistance. L'utilisation excessive de médicaments tels que les antibiotiques accélère ce processus. Chaque année, au moins 1,2 million de personnes meurent déjà d'infections non traitables.
Selon Davies, une résistance généralisée rendrait trop risquées de nombreuses méthodes de la médecine moderne, y compris des traitements comme les césariennes, les interventions contre le cancer et les transplantations d'organes. Le danger de la résistance aux antimicrobiens est souvent sous-estimé. La disponibilité de médicaments efficaces, autrefois considérée comme allant de soi, pourrait bientôt appartenir au passé. Il ne s'agit pas seulement d'un problème médical, mais aussi d'un problème de société aux conséquences importantes.
La lutte contre la résistance aux antimicrobiens nécessite une collaboration mondiale. Des investissements dans la recherche et le développement de nouveaux médicaments sont nécessaires, tout comme la mise en place de règles plus strictes concernant l'utilisation des antibiotiques existants.
«Une question d'équité intergénérationnelle»
«Environ six mois avant sa mort, elle savait que la maladie ne pouvait pas être traitée et qu'elle allait probablement en mourir», explique le professeur Sally Davies à propos de l'histoire tragique de sa filleule. Sa mort a conforté la médecin dans sa volonté de lutter contre les super-agents pathogènes.
Il s'agit également d'une question d'équité intergénérationnelle, a déclaré Mme Davies au Guardian : «Ma génération et celles qui l'ont précédée ont consommé les antibiotiques et ne les ont pas renouvelés. Nous ne veillons pas à ce que nos aliments soient produits en utilisant le moins d'antibiotiques possible. Je dois à mes enfants et aux générations futures de faire de mon mieux».