«Rôle central»Crimes nazis: une étude pointe la responsabilité des médecins
ATS
9.11.2023 - 07:31
Le corps médical a joué un «rôle central» dans les crimes des nazis, selon une étude présentée jeudi. Elle appelle les médecins d'aujourd'hui à apprendre de ce passé pour s'opposer si nécessaire à des directives.
Keystone-SDA
09.11.2023, 07:31
ATS
«Les crimes n'ont pas été commis uniquement par des médecins extrémistes» ou «sous la contrainte», selon les résultats de cette enquête publiée dans la revue scientifique britannique The Lancet. Elle balaie «les idées fausses circulant depuis longtemps» pour minimiser la responsabilité de la profession.
En 1945, de 50 à 65% des médecins allemands non juifs avaient ainsi rejoint le parti nazi. La proportion est «bien plus élevée que dans toute autre profession universitaire», selon ce document de quelque 80 pages se basant sur des sources universitaires.
Au total, les programmes eugénistes, d'euthanasie et les «expériences humaines brutales» mis en oeuvre dans un cadre médical ont fait «au moins 230'000 morts», parmi les handicapés, les patients juifs et les déportés, dont 7000 à 10'000 enfants. Environ 300'000 stérilisations forcées ont été pratiquées.
Partie intégrante de la connaissance
«Contrairement aux idées reçues», «la médecine dans l'Allemagne nazie n'était pas une pseudo-science» et la «recherche nazie» est parfois «devenue partie intégrante du canon de la connaissance médicale», note le rapport. Par exemple, «la compréhension actuelle des effets du tabac et de l'alcool sur le corps a été alimentée par des recherches menées à l'époque nazie».
Certains criminels ont acquis une renommée durable après-guerre sans jamais révéler le contexte de leurs recherches, comme le recteur de l'université de Vienne Eduard Pernkopf. Son atlas anatomique de référence, paru dans de nombreux pays et utilisé sans controverse jusque dans les années 1990, avait été réalisé à partir des cadavres de personnes assassinées.
Une fondatrice de la pédopsychiatrie, Elisabeth Hecker, a aussi été célébrée durant des décennies, l'Allemagne lui attribuant l'ordre du mérite en 1979, alors qu'elle a envoyé de nombreux mineurs, placés sous son autorité, à la mort.
Par ailleurs, «les méthodes développées» entre 1939 et 1941 pour tuer des patients par le gaz ont ensuite été réutilisées à très grande échelle «dans les camps d'extermination en Pologne», rappelle l'étude.
Les auteurs recommandent que ces faits historiques soient intégrés aux cursus de formation des professionnels de santé, car il est «souvent surprenant de constater à quel point leurs connaissances» sont «limitées aujourd'hui, hormis peut-être une vague notion des expériences de Josef Mengele à Auschwitz».