Espace Déjà cinq rovers américains envoyés sur Mars, à quand des humains?

ATS

21.2.2021 - 09:42

Les membres de la Nasa montrent leur joie après l'arrivée du rover Perseverance sur Mars.
Les membres de la Nasa montrent leur joie après l'arrivée du rover Perseverance sur Mars.
Source: KEYSTONE

Le rover de la Nasa Perseverance, arrivé avec brio jeudi sur Mars, est le cinquième à réussir le voyage. Alors à quand le tour des humains? L'objectif est affiché depuis des décennies, mais le voyage n'est pas encore pour demain.

«D'ici la moitié à la fin des années 2030, nous commencerons peut-être à utiliser les moyens qui nous servent à aller sur la Lune pour envoyer des astronautes sur Mars», a déclaré jeudi Steve Jurczyk, administrateur de la Nasa par intérim.

Les grands défis technologiques sont à peu près résolus, pourtant de nombreux facteurs manquent encore à l'équation. Un voyage sur Mars durera environ sept mois et les astronautes passeront au départ 30 jours sur place, anticipe la Nasa. Il y fait -63°C en moyenne, les radiations sont importantes et l'air y est composé de dioxyde de carbone à 95%.

La gravité n'y est que de 38% celle de la Terre. Mais grâce à «la Station spatiale internationale (ISS), nous avons beaucoup appris sur la microgravité», estime G. Scott Hubbard, ancien de la Nasa qui a dirigé le premier programme martien.

Produire de l'oxygène

Mais de nombreuses techniques et matériels doivent encore être testés. Perseverance a emporté plusieurs instruments dans le but de préparer de futures missions humaines. Notamment MOXIE, de la taille d'une batterie de voiture, pour tenter de produire de l'oxygène directement sur place, en aspirant le CO2 – un peu comme une plante. L'oxygène pourra servir à respirer, mais aussi de carburant.

Et le fameux programme Artémis de retour sur la Lune, sur lequel la Nasa concentre aujourd'hui ses efforts, est vu comme un banc d'essai vers Mars.

Il y sera testé une nouvelle combinaison, xEMU, permettant une meilleure mobilité et protégeant des très basses températures. Mais aussi une mini centrale nucléaire pour produire de l'électricité, y compris durant les tempêtes de poussière, qui peuvent bloquer le Soleil pendant des mois sur Mars (exit les panneaux solaires).

Sécurité

L'intérêt de tout tester d'abord sur la Lune? La possibilité d'envoyer des secours. Sur Mars, «si les choses se passent mal et se cassent, vous êtes à des années de la maison», explique à l'AFP Jonathan McDowell, du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics.

Des humains sur Mars, «c'est faisable, mais pour le moment, il est plus sûr d'envoyer des robots», pour lesquels les standards de sûreté exigés sont moindres, résume Laura Forczyk, analyste du secteur spatial.

Volonté politique

Le gros obstacle reste la volonté politique et les financements qui vont avec. En 1990, George Bush annonçait un homme sur Mars avant le cinquantième anniversaire du premier pas sur la Lune, en juillet 2019. Les promesses similaires de trois de ses successeurs (George W. Bush, Barack Obama et Donald Trump) n'ont donné naissance à aucun programme concret.

Les années 2030? «C'est possible (...) mais sans la volonté politique de l'administration et du Congrès, cela n'arrivera pas», souligne G. Scott Hubbard.

Joe Biden n'a pas encore nommé d'administrateur permanent pour la Nasa, ni donné sa vision spatiale pour le moment. Sa porte-parole s'est bornée à assurer «soutenir» le programme Artémis.

L'objectif du retour d'un astronaute sur la Lune pour 2024 souffrira «de délais» et, comme un «effet domino», il y aura un retard pour Mars également, prévient Laura Forczyk, jugeant les années 2040 plus crédibles concernant la planète rouge.

La Nasa doublée par SpaceX?

La Nasa pourrait-elle ainsi se faire doubler par SpaceX, la société du milliardaire Elon Musk, créée avec le but affiché de permettre la colonisation de Mars?

Pour le voyage, l'agence spatiale américaine a tout misé sur sa fusée SLS (Space Launch System) qui doit être testée fin 2021 au plus tôt, sans humain à bord. Elle a déjà subi des surcoûts et des retards, dont un test raté des moteurs en janvier.

SpaceX développe elle la fusée Starship, dont deux prototypes se sont récemment écrasés dans d'énormes boules de feu lors de tests. Contrairement aux agences financées par le contribuable, Elon Musk investit son propre argent et peut donc prendre les risques qu'il veut.

De ce fait, «avec son approche rapide, SpaceX pourrait avoir un vaisseau prêt avant la Nasa», estime G. Scott Hubbard, qui dirige un comité d'experts sur la sécurité pour la société. «Toutefois, pour avoir des humains à bord, vous avez aussi besoin d'équipements avancés» les maintenant en vie sur place, «ce dans quoi la Nasa a investi depuis des décennies».

Plus qu'une compétition, la Nasa et SpaceX pourraient donc devenir partenaires, pour enfin réaliser l'exploit.

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