ISS Dans l'espace, les Russes et les Américains collaborent encore

ATS

28.2.2022 - 08:13

Sur terre, l'invasion de l'Ukraine a porté les tensions entre les Etats-Unis et la Russie à leur comble. Mais dans l'espace, des ressortissants russes et américains cohabitent dans la station spatiale internationale, dont le fonctionnement exige une coopération entre les deux pays.

Dans cette image tirée de la vidéo de Roscosmos, les cosmonautes russes Oleg Novitsky, à gauche, et Piotr Dubrov, membres de l'équipage de la Station spatiale internationale (ISS), effectuent leur première sortie dans l'espace le mercredi 2 juin 2021. (archives)
Dans cette image tirée de la vidéo de Roscosmos, les cosmonautes russes Oleg Novitsky, à gauche, et Piotr Dubrov, membres de l'équipage de la Station spatiale internationale (ISS), effectuent leur première sortie dans l'espace le mercredi 2 juin 2021. (archives)
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Cette collaboration a, pour l'instant, surmonté toutes les secousses diplomatiques depuis plus de 20 ans.

Jeudi, le président américain Joe Biden a annoncé des sanctions contre la Russie en riposte à son offensive militaire en Ukraine. Celles-ci «vont détériorer leur industrie aérospatiale, dont leur programme spatial, et nuire à leur capacité de construire des vaisseaux», a-t-il déclaré.

En réponse, le directeur de l'agence spatiale russe Dmitry Rogozin, un proche du Kremlin habitué des déclarations tonitruantes, a publié des tweets incendiaires, accusant les Etats-Unis de «chantage» et de vouloir «détruire la coopération» concernant l'ISS. Or, sans la Russie, «qui sauvera l'ISS d'un désorbitage non contrôlé et d'une chute sur les Etats-Unis ou l'Europe?», a-t-il demandé, menaçant.

Pas d'alternative

Les corrections d'orbite de la station reposent effectivement sur le système de propulsion des vaisseaux russes. Mais le segment américain comporte, lui aussi, des fonctions vitales indispensables.

Cette interdépendance a précisément été pensée pour empêcher «les dérapages dus à l'actualité», explique à l'AFP Julie Patarin-Jossec, auteure d'un essai sur l'ISS et ex-enseignante à l'université d'Etat de Saint-Pétersbourg.

Moscou n'a en outre aucun intérêt à rompre les liens: «Si la Russie se retirait de l'ISS, ce qui est relativement impossible du fait de l'encadrement juridique du programme, cela voudrait dire qu'elle n'aurait plus de programme spatial habité», a ajouté la sociologue.

De son côté, la NASA a cherché à arrondir les angles, en déclarant «continuer à travailler avec les partenaires internationaux», dont l'agence spatiale russe Roscosmos, «pour la sûreté des opérations actuelles» de l'ISS.

«Malgré le conflit en cours, la coopération spatiale civile reste un pont», a pour sa part tweeté le directeur général de l'agence spatiale européenne (ESA), qui fait également partie des partenaires internationaux de l'ISS, avec le Japon et le Canada.

Autonomie

Les deux Russes, quatre Américains et l'Allemand actuellement en orbite dans l'ISS sont très certainement au courant des tensions actuelles, selon Julie Patarin-Jossec. Mais leur entraînement leur a appris à rester pragmatiques, et la plupart sont très attachés à la dimension internationale du programme, souligne-t-elle.

Ce n'est pas la première fois que la situation ukrainienne provoque des remous spatiaux. En 2014, après de premières sanctions américaines ayant suivi l'annexion de la Crimée, Dmitry Rogozin, alors premier ministre russe adjoint chargé de l'espace, avait suggéré que les Etats-Unis «utilisent un trampoline pour acheminer leurs astronautes vers l'ISS».

Ils ne disposaient en effet plus à l'époque de vaisseaux américains, et utilisaient donc les fusées Soyouz russes. En 2020, après le premier vol de SpaceX vers l'ISS ayant mis fin à ce monopole, le patron de l'entreprise, Elon Musk, avait déclaré, provocateur: «Le trampoline fonctionne».

L'épisode avait aussi poussé la Russie à diversifier ses approvisionnements. Malgré les sanctions de 2014, visant déjà les «microélectroniques», «nous construisons toujours nos vaisseaux», a tweeté M. Rogozin. «Et nous continuerons à les construire en établissant une production domestique des composants nécessaires.»

Selon Julie Patarin-Jossec, une grande partie de la stratégie spatiale de M. Rogozin a été consacrée à «l'autonomisation progressive de la Russie dans ces domaines, justement pour ne plus avoir besoin d'imports de l'étranger». Les conséquences des nouvelles sanctions sont ainsi «difficiles à évaluer dans l'immédiat», estime-t-elle.

Vers la Chine

Une conséquence moins dramatique qu'un arrêt de coopération total et immédiat pourrait consister en l'annulation de l'échange d'astronautes qui était envisagé pour l'automne. L'idée est qu'un cosmonaute russe rejoigne l'ISS à bord d'un vaisseau SpaceX et un astronaute de la NASA dans un Soyouz. Mais Moscou n'a pas encore formellement approuvé l'idée.

Plus largement, l'avenir de long terme de l'ISS pourrait souffrir de cette crise. «La situation actuelle, à moins qu'elle ne soit résolue rapidement, pourrait affecter la volonté russe de rester impliquée, ou la volonté américaine de les garder impliqués», a dit à l'AFP John Logsdon, professeur au Space Policy Institute de l'université George Washington.

Les Etats-Unis ont dit vouloir prolonger l'ISS jusqu'en 2030, mais la Russie n'est, pour le moment, engagée que jusqu'en 2024. Elle a décliné de participer au programme américain Artémis de retour sur la Lune. Elle a en revanche annoncé vouloir construire sa propre station spatiale, ainsi que la construction conjointe d'une station lunaire, conjointement avec la Chine.