Grande Barrière de Corail Découverte il y a 250 ans, aura-t-elle déjà disparu dans 30 ans?

De Gil Bieler

12.6.2020

Cela fait 250 ans que le capitaine James Cook a découvert la Grande Barrière de Corail. Cependant, l’avenir s’annonce sombre pour le récif corallien au large de la côte est de l’Australie: les experts font part de leur inquiétude.

Survenue par hasard, sa découverte a failli avoir des conséquences fatales: le 11 juin 1770, l’aventurier britannique James Cook est tombé sur la Grande Barrière de Corail – au sens propre du terme, puisque son navire, le HMS Endeavour, est passé sur l’immense récif de corail et s’est enlisé. Ce n’est qu’après avoir jeté par-dessus bord une cinquantaine de tonnes de cargaison que l’équipage est parvenu à libérer le navire. A la suite de réparations, l’expédition – il s’agissait du premier des voyages de James Cook dans les mers du Sud – a pu reprendre.

Même si cette découverte est aujourd’hui vieille de 250 ans pour le monde occidental, le récif corallien au large de la côte est de l’Australie existe évidemment depuis bien plus longtemps: les scientifiques estiment son âge à environ 600 000 ans. Il n’est pas non plus surprenant que James Cook et son équipage s’y soient échoués: avec une superficie de 344 400 kilomètres carrés, le récif fait presque 8,5 fois la taille de la Suisse.

Il abrite plus de 30 espèces de baleines et de dauphins, ainsi que 133 espèces de requins et 1600 espèces de poissons, 3000 espèces de mollusques et – comme son nom l’indique – 600 espèces de coraux. A proprement parler, il ne s’agit pas d’un seul récif, mais d’un ensemble de 3000 récifs coralliens reliés entre eux.

Une forêt tropicale sous l’eau

«On peut le comparer à une forêt tropicale», explique Michael Krützen, biologiste et professeur à l’université de Zurich, interrogé par «Bluewin». Il a visité la Grande Barrière de Corail dans les années 1990 et se souvient d’un endroit «extrêmement impressionnant». Cette zone relativement petite abrite une immense biodiversité – de nombreuses espèces sont endémiques et n’existent donc que là, indique-t-il. «Cet habitat est essentiel à la survie d’innombrables espèces, poursuit Michael Krützen. «Si le récif meurt, elles mourront aussi.»

Son inquiétude pour les récifs est justifiée: le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) estime qu’entre 25% et 50% des récifs coralliens à travers le monde ont déjà été détruits et que 60% d’entre eux sont menacés. Ces écosystèmes sensibles sont particulièrement malmenés par le changement climatique et le réchauffement des océans qu’il entraîne. Mais pas seulement: selon Michael Krützen, l’agriculture en Australie contribue à la présence d’une trop grande quantité de nutriments en mer.

En avril, la direction du Parc marin de la Grande Barrière de Corail, qui est responsable du récif, a déclaré que le troisième épisode de blanchissement massif des coraux en l’espace de cinq ans était déjà observé. Ce phénomène de blanchissement entraîne souvent la mort des coraux. «Nous sommes très inquiets», a annoncé l’autorité australienne.



Des photographies aériennes ont par exemple montré que les épisodes importants de blanchissement étaient plus étendus qu’au cours des années précédentes – des zones du sud du récif relativement épargnées auparavant ont notamment été touchées. «C’est pourquoi la recrudescence des épisodes de blanchissement dans la région est particulièrement alarmante», explique à «Bluewin» Corina Gyssler, porte-parole du WWF Suisse.

«Ce sont des signaux d’alerte»

Michael Krützen, qui effectue des recherches sur les dauphins en Australie-Occidentale, observe lui aussi cette évolution avec inquiétude. Il constate également les conséquences du changement climatique dans cette zone. Ainsi, après une vague de chaleur survenue en 2011, 60% des zostères ont disparu et la population de dauphins a également été fortement touchée. «Ce sont des signaux d’alerte et ils se multiplient de manière frappante ces derniers temps.» La question est de savoir si un écosystème pourra encore s’en remettre, a-t-il ajouté.

Corina Gyssler, du WWF Suisse, émet des réserves à ce sujet: même si les objectifs de l’accord de Paris sur le climat – une limitation à 2 °C de la hausse des températures – sont atteints, «d’ici 2050, environ 70% à 90% de l’étendue actuelle des récifs coralliens aura disparu».

Le biologiste Michael Krützen ne pense pas qu’une mort massive des coraux aura des conséquences directes pour les Suisses. Néanmoins, «il est de notre devoir de préserver ces habitats pour les générations futures», soutient-il. L’UNESCO a inscrit la Grande Barrière de Corail au patrimoine mondial naturel en 1981.

«Le plus important pour la survie des récifs coralliens est que nous réduisions le réchauffement climatique. Et les Suisses peuvent faire beaucoup en ce sens», affirme la porte-parole du WWF Corina Gyssler. Comme exemples pratiques, elle évoque le fait de renoncer aux déplacements en avion ou en voiture, aux énergies fossiles ou aux produits d’origine animale tels que la viande, les œufs et les produits laitiers.

Le WWF coopère actuellement avec des scientifiques et d’autres organisations sur une initiative visant à «renforcer la résilience des récifs coralliens qui ont les meilleures chances de survie», ajoute-t-elle.

La Grande Barrière de Corail survivra-t-elle? Ou les générations futures d’écoliers ne la connaîtront-elles qu’à travers les cours d’histoire, à côté de James Cook? L’avenir nous le dira.

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