Destination Jupiter La sonde européenne Juice est dans les starting-blocks

AFP

13.4.2023 - 06:18

Les feux sont au vert pour une odyssée de huit ans: la sonde spatiale européenne Juice est prête à partir explorer Jupiter et ses lunes glacées, en quête d'environnements habitables pour des formes de vie extra-terrestre.

Mission phare de l'Agence spatiale européenne (ESA), Juice (Jupiter Icy Moons explorer) décollera jeudi à 12H15 GMT depuis Kourou en Guyane française, à bord d'une fusée Ariane 5, dont ce sera l'avant-dernier vol avant d'être remplacée par Ariane 6.

«Les conditions météo sont bonnes», a annoncé mercredi Marie-Anne Clair, la directrice du Centre spatial guyanais, dans la salle de contrôle Jupiter, où étaient réunies des personnalités, dont le roi des Belges Philippe et l'astronaute français Thomas Pesquet.

La sonde de plus de six tonnes est installée, panneaux solaires repliés, dans la coiffe du lanceur, prête à s'envoler au-dessus de la forêt guyanaise, à 12H15 GMT. Elle se séparera de la fusée 28 minutes après le décollage, à 1.500 km d'altitude, a précisé le président d'Arianespace Stéphane Israël.

Juice démarrera alors sa longue croisière pour Jupiter, la plus grosse planète du système solaire, à environ 628 millions de kilomètres de la Terre. 

«C'est l'un des engins spatiaux les plus complexes jamais envoyés vers le système solaire externe», a relevé le directeur général de l'ESA Josef Aschbacher.

Conçue par Airbus, Juice embarque dix instruments scientifiques (caméra optique, spectromètre imageur, radar, altimètre, magnétomètre...), protégés des températures extrêmes par une couverture à isolation multicouche. La sonde est aussi équipée d'immenses panneaux solaires de 85m2 – la taille d'un terrain de basket – pour garder de la puissance, dans un environnement où la lumière du Soleil est 25 fois plus faible que sur Terre. 

L'arrivée est prévue en juillet 2031. Le voyage s'annonce sinueux puisqu'il n'est pas possible d'atteindre Jupiter par une trajectoire directe. 

La sonde devra passer par de complexes manoeuvres d'assistance gravitationnelle, consistant à utiliser la force d'attraction d'autres planètes, à la manière d'une catapulte. Par un survol Lune-Terre d'abord, puis de Vénus (2025), puis à nouveau de la Terre (2029), avant de prendre son élan vers le mastodonte du système solaire et ses plus grandes lunes, découvertes par Galilée il y a 400 ans: Io la volcanique et ses trois comparses glacées Europe, Ganymède et Callisto.

Océans d'eau liquide

Le système jovien a «tous les ingrédients d'un mini-système solaire», a expliqué Carole Mundell, directrice des sciences pour l'ESA. Son exploration «permettra d'étudier comment fonctionne notre système solaire, comment se forment les planètes». Et tentera de répondre, in fine, à la question «Sommes-nous seuls dans l'Univers?» a poursuivi l'astrophysicienne.

La quête principale de Juice est de trouver non pas directement la vie, mais des environnements propices à son apparition. Si Jupiter, planète gazeuse, est inhabitable, ses lunes Europe et Ganymède sont des candidates idéales: sous leur surface de glace, elles abritent des océans d'eau liquide – seule l'eau à l'état liquide rend la vie possible. 

La future mission de la Nasa Europa Clipper visera Europe. Juice, elle, cible Ganymède: en 2034, elle devrait se placer en orbite autour de ce satellite naturel, le plus gros du système solaire comparable en taille à la planète Mercure. C'est aussi la seule lune à posséder son propre champ magnétique la protégeant des dangereuses radiations. 

De précédentes missions spatiales ont suggéré la présence, entre deux épaisses croûtes de glace, d'un gigantesque océan, «de plusieurs dizaines de kilomètres, bien plus profond que les océans terrestres», a dit Josef Aschbacher.

L'une des questions est de savoir si cette eau liquide interagit avec la surface pour pouvoir en absorber les composants. Qui pourraient alors se dissoudre en nutriments, une des conditions pour le développement d'un écosystème.

D'un coût total de 1,6 milliard d'euros, Juice est la première mission européenne à explorer une planète du système solaire externe, qui démarre après Mars. «C'est la mission d'une décennie», a souligné Josef Aschbacher.

Son lancement intervient en pleine crise des lanceurs pour l'Europe, quasiment privée d'accès autonome à l'espace après le départ des fusées russes Soyouz de Kourou, des retards cumulés d'Ariane 6 et de l'échec du premier vol commercial de Vega C.