«C'était incroyable» Etre éveillé lors d'une greffe, bientôt la règle?

ATS

11.8.2024 - 08:26

«J'ai tout vu»: à 74 ans, Harry Stackhouse a pu observer les médecins lui greffer un nouveau rein. L'expérience, sans douleur, lui a permis de discuter avec les chirurgiens, voir son nouvel organe et observer l'équipe médicale le recoudre.

L'anesthésie générale requiert généralement une intubation, ce qui peut endommager les cordes vocales, bouleverser le transit intestinal et créer un «brouillard cérébral» persistant, surtout chez les patients les plus âgés.
L'anesthésie générale requiert généralement une intubation, ce qui peut endommager les cordes vocales, bouleverser le transit intestinal et créer un «brouillard cérébral» persistant, surtout chez les patients les plus âgés.
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M. Stackhouse a été opéré le 15 juillet dans la région de Chicago, dans le nord des Etats-Unis, dans l'établissement Northwestern Medecine, qui cherche à généraliser ces greffes pratiquées sans anesthésie générale.

Réalisée en un peu plus d'une heure, l'opération était la deuxième de ce type pour Satish Nadig, directeur du Comprehensive Transplant Center basé à Chicago. Depuis, il en a réalisé une troisième. «Nous nous trouvons aujourd'hui à un point d'inflexion pour la greffe», affirme M. Nadig à l'AFP.

Si la littérature médicale fait état depuis plusieurs décennies et dans différents pays de quelques greffes de reins pratiquées sur des patients éveillés en utilisant la même technique qu'une césarienne, cette pratique n'a jamais été pleinement adoptée.

Effets de l'anesthésie

«Il est temps de remettre en question les paradigmes auxquels nous nous sommes historiquement attachés», plaide M. Nadig, alors que cette année marque le 70e anniversaire de la première greffe réussie d'un rein humain provenant d'un donneur vivant.

L'anesthésie générale requiert généralement une intubation, ce qui peut endommager les cordes vocales, bouleverser le transit intestinal et créer un «brouillard cérébral» persistant, surtout chez les patients les plus âgés. Elle peut aussi présenter pour certaines personnes des risques de complications cardiaques ou pulmonaires plus graves mais rares.

Père de six enfants, M. Stackhouse a d'abord ressenti des symptômes comparables à ceux d'une grippe à la fin 2019. Ils se sont empirés au point qu'il ne pouvait presque plus marcher. Quelques mois plus tard, ce peintre et décorateur se retrouve aux urgences, où il apprend qu'en plus d'avoir contracté le Covid-19, un de ses reins est défaillant et l'autre ne fonctionne qu'à 2%.

Il est contraint à des séances de dialyses trois fois par semaine, mais son état empire et sa fille Trewaunda le pousse à envisager une greffe et se propose de tester sa compatibilité pour voir si elle peut devenir sa donneuse.

«C'était incroyable»

Réticent au départ, M. Stackhouse finit par accepter. Sa rencontre avec le professeur Nadig et la découverte du programme d'opération sans anesthésie générale, the «AWAKE Kidney Program», le décide.

«Croyez-le ou non, je n'ai rien senti. C'était incroyable», confie M. Stackhouse à l'AFP. Il discute avec l'équipe médicale pendant l'opération et lorsqu'on lui propose de voir le rein qui va lui être greffé, il accepte sans hésiter. «Je ne pensais pas qu'un rein était aussi gros!»

Compte tenu de son âge, M. Stackhouse a pu rentrer chez lui 36 heures après l'opération. Le premier patient du professeur Nadig, opéré en mai avait pu sortir au bout de 24 heures, bien moins que les 5 à 7 jours en moyenne pour une opération sous anesthésie générale.

Satish Nadig attribue ce succès aux progrès scientifiques comme la possibilité de cibler l'anesthésie dans l'abdomen ou la colonne vertébrale. Le fait d'éviter les opioïdes et d'encourager les patients à manger rapidement après l'opération avait déjà permis de réduire la moyenne des séjours des patients.

«Innovation importante»

Après l'opération, M. Stackhouse s'est très bien rétabli: il marche, tond la pelouse et prépare son bateau pour une future partie de pêche. Il s'est même plus rapidement remis que sa fille de 45 ans, Trewaunda, qui elle a subi une anesthésie générale.

«C'est juste un cadeau que tu peux faire à quelqu'un [...] Tu lui rends sa qualité de vie», explique l'institutrice à l'AFP.

Christopher Sonnenday, le directeur du Transplant Center de l'université de médecine du Michigan loue «l'innovation importante» réalisée par l'équipe de la Northwestern Medecine.

«La réduction du recours aux anesthésies générales s'est avérée efficace pour accélérer le rétablissement [des patients] dans toutes les disciplines de la chirurgie», ajoute-t-il.

Mais c'est la pratique qui déterminera à quel point cette procédure peut être généralisée dans le domaine de la greffe rénale, dit-il, et être proposée aux patients atteints d'obésité ou souffrant de maladies cardiaques, davantage à risque de complications liées à une anesthésie générale.