Intelligence artificielle Ils parviennent à prédire les mutations génétiques 

uc, ats

10.6.2021 - 11:25

Des chercheurs neuchâtelois ont utilisé l’intelligence artificielle pour prédire les mutations génétiques pouvant survenir spontanément lors de la reproduction d’un organisme. Ils ont appliqué la méthode avec succès sur un champignon pathogène.

Keystone-SDA, uc, ats

Image de l'exposition de 2009 «Génome - Voyage au coeur du vivant» à Genève. Grâce à l'intelligence artificielle, des chercheurs neuchâtelois ont obtenu d'excellents résultats pour prédire des réarrangements chromosomiques. (image d'illustration)
Image de l'exposition de 2009 «Génome - Voyage au coeur du vivant» à Genève. Grâce à l'intelligence artificielle, des chercheurs neuchâtelois ont obtenu d'excellents résultats pour prédire des réarrangements chromosomiques. (image d'illustration)
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L’équipe de Daniel Croll, professeur au Laboratoire de génétique évolutive de l’Université de Neuchâtel (UniNE), l’a d’abord testée sur Zymoseptoria tritici, le champignon vecteur de la septoriose du blé. Ce fléau est responsable rien qu’en Europe de 5% à 10% de pertes annuelles dans les récoltes.

Or ces pertes résultent de la résistance du pathogène à différents pesticides, résistance dont l’émergence est liée entre autres à des réarrangements chromosomiques chez le champignon. D’où l’intérêt du postdoctorant Thomas Badet et de ses collègues de tester une approche de génétique prédictive sur ce champignon pathogène.

«Machine learning»

Pour ce faire, les biologistes ont soumis à un programme informatique de «machine learning» une trentaine de caractéristiques chromosomiques recueillies sur plusieurs individus du champignon. Des caractéristiques susceptibles d’être à l'origine de réarrangements dans les générations futures.

Après le processus d’apprentissage, le programme était capable, en voyant un génome donné, de prédire où se trouveraient avec précision des réarrangements dans l’ADN des générations successives du champignon.

Daniel Croll et ses collègues ont produit des lignées de champignons pour comparer les résultats, avec succès. «Après analyse de l'ADN des progénitures du champignon, nous avons réussi à prédire 99% de certains types de changements spontanés survenus», se réjouit Daniel Croll, cité jeudi dans un communiqué de l'UniNE.

En médecine humaine

Dans la foulée, les biologistes ont testé la méthode sur Arabidopsis thaliana, l'arabette des dames, une plante cobaye de laboratoire. Mais avec un objectif plus fondamental: demander à la machine de prédire, après avoir compilé huit génomes «parfaits» de la plante, où des réarrangements pourraient apparaître chez une arabette prise au hasard.

Et les résultats sont jugés excellents. «Le modèle informatique a pu prédire plus de 74% des réarrangements chromosomiques», note Daniel Croll.

La méthode de prédiction pourrait bien ne pas se limiter à la biologie végétale et s’appliquer dans le futur en médecine humaine. «Les changements spontanés de l’ADN survenant lors de la multiplication des cellules sont souvent à l’origine de maladies héréditaires et de cancers. Pouvoir les prédire serait d’une grande aide pour la médecine», selon le chercheur.

Connaître le génome

Reste que la méthode de l’Université de Neuchâtel dépend d’une condition impérative: il faut entièrement connaître, dans le moindre détail, le génome de l’organisme que l’on étudie pour une prédiction fiable. C’est effectivement le cas du champignon pathogène et d’Arabidopsis. Mais pas encore pour l’être humain, bien qu’une très grande partie de son ADN ait déjà été décodée.

Interrogé par Keystone-ATS, le Pr Croll précise qu'en principe, cette technique pourrait être appliquée au virus SARS-CoV-2, mais cela ne constituerait pas un avantage. Les mutations chez les virus sont des processus de sélection bien connus et assez simples, explique le chercheur.

«Notre méthode s'intéresse à la totalité des mutations aléatoires et parfois aberrantes qui se passent chez un individu; dans le cas de l'évolution d'un cancer par exemple, ce sont des centaines de changements aléatoires qui sont impliqués», dit-il. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Communications.