Technologies L'Inde, pépinière de cerveaux au sommet de la tech mondiale

AFP

9.12.2021 - 08:49

Etudiante en technologie, Shivani Nandgaonkar, est bien décidée à emboîter le pas au nouveau directeur général de Twitter, Parag Agarwal, dernier d'une série de patrons de la tech américaine issus des prestigieuses universités de technologie indiennes.

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Etudiante en technologie, Shivani Nandgaonkar, est bien décidée à emboîter le pas au nouveau directeur général de Twitter, Parag Agarwal, dernier d'une série de patrons de la tech américaine issus des prestigieuses universités de technologie indiennes.

Encore en premier cycle à l'Indian Institute of Technology (IIT) de Bombay, la jeune femme de 22 ans a déjà été recrutée par Google.

Comme Parag Agarwal, elle fait partie de ces milliers de diplômés du réseau de l'Institut qui grossissent les rangs des grandes sociétés technologiques américaines.

«Quand j'ai su pour Parag, cela m'a fait tellement plaisir», se souvient-elle.

«Mon marchepied»

«Le PDG de Google, Sundar Pichai est un autre de l'IIT», ajoute-t-elle, «c'est désormais mon marchepied. Je rêve (...) d'y décrocher un poste élevé." 

À 37 ans seulement, Parag Agarwal est le plus jeune directeur général de l'indice S&P 500. 

Comme Sundar Pichai, 49 ans, PDG d'Alphabet, société mère de Google, il a quitté l'Inde après l'obtention de son diplôme à l'IIT pour poursuivre des études supérieures aux États-Unis avant de travailler dans plusieurs entreprises américaines. 

Parmi les autres Indiens qui occupent les plus hauts postes de la tech, Arvind Krishna d'IBM et Nikesh Arora de Palo Alto Networks, tous deux anciens de l'IIT, ainsi que Satya Nadella de Microsoft et Shantanu Narayen d'Adobe.

Selon les spécialistes, cela s'expliquer par de multiples facteurs, notamment une culture de la résolution de problèmes, le savoir-faire, la maîtrise de la langue anglaise et un travail acharné.

Vinod Khosla, diplômé de l'IIT et cofondateur de Sun Microsystems, estime qu'ayant grandi au contact de multiples communautés, coutumes et langues, les Indiens savent «naviguer dans des situations complexes».

Compétition dans le système

«La compétition dans le système éducatif en Inde et le chaos sociétal contribuent à aiguiser leurs compétences en plus d'une éducation technique rigoureuse dispensée par les IIT», explique à l'AFP le milliardaire spécialiste du capital-risque. 

La Silicon Valley exige de ses cadres supérieurs une expertise technique, de savoir diriger des communautés diverses et d'avoir l'esprit d'entrepreneuriat, dans un environnement incertain. 

«Dans l'innovation, il faut oser rompre avec les règles, il faut être audacieux», estime Vivek Wadhwa, universitaire et écrivain indo-américain.

«On ne survit pas un seul jour en Inde sans devoir enfreindre une règle, sans être confronté à une bureaucratie incompétente, à la corruption», poursuit-il. 

«De telles aptitudes sont très utiles pour innover dans la Silicon Valley, car on y défie constamment l'autorité», ajoute l'auteur.

«La crème de la crème»

La compétition commence tôt dans un pays de plus de 1,3 milliard d'habitants où l'on met depuis longtemps l'accent sur l'éducation.

Les IIT sont considérés comme les meilleures universités de l'Inde, et plus d'un million d'élèves postulent chaque année pour 16.000 places seulement.

Pendant un an et demi, Shivani Nandgaonkar a étudié jusqu'à 14 heures par jour, sept jours sur sept. 

Certains se préparent dès 14 ou 15 ans, souligne-t-elle. 

«Imaginez une admission 10 fois plus ardue qu'au MIT (Massachusetts Institute of Technology) et Harvard. Voilà ce que sont les IIT», explique M. Wadhwa, «soit la crème de la crème». 

Le réseau des IIT a été créé en 1950 par le Premier premier ministre indien, Jawaharlal Nehru, afin de doter le pays de diplômés en sciences et en ingénierie hautement qualifiés après l'indépendance des Britanniques en 1947. 

Matière grise, N°1 de l'export ?

Mais la demande intérieure devenue insuffisante, les diplômés ont fini par se tourner vers l'étranger, en particulier vers les États-Unis où la révolution numérique prenait son essor. 

Ce n'était pas le cas des ingénieurs chinois qui, une fois diplômés aux États-Unis, n'avaient pas de difficulté à trouver un emploi dans leur pays où l'économie était en plein essor, rappelle Devesh Kapur, professeur à l'université Johns Hopkins, lui-même diplômé de l'IIT.

«Dans les années 60, 70 et 80, et même dans les années 90, le développement de l'industrie indienne n'était pas encore avancé et (...) nombre de ceux qui aspiraient à travailler dans la technologie de pointe ont eu envie d'aller à l'étranger», explique S. Sudarshan, directeur adjoint de l'IIT de Bombay.

Depuis des années, plus de la moitié des demandeurs de visas d'immigrants qualifiés aux États-Unis viennent d'Inde, surtout du secteur des technologies.  

Des ingénieurs tels Agrawal, Pichai et Nadella ont passé une bonne dizaine d'années à grimper à la tête de leurs entreprises respectives, s'enrichissant de la culture interne tout en gagnant la confiance des fondateurs de ces sociétés. 

Alors même si l'Inde prospère et que les opportunités fleurissent en plus grand nombre pour les cerveaux du pays, Shivani Nandgaonkar, elle, entend bien conquérir le sommet du monde : «Il faut rêver en grand !»