Des scientifiques ont proposé mercredi dans la revue Nature une nouvelle théorie susceptible de résoudre deux mystères d'un seul coup. L'un concerne la Lune et l'autre les entrailles de la Terre.
La recherche a conduit les experts de deux spécialités bien distinctes, l'espace et la géologie, à collaborer (image d'illustration).
Une image géante intitulée "Première vue de la Terre depuis la Lune" au California Institute of Technology (Caltech) à Pasadena, en Californie, le 1er juin 2017
Des morceaux d'une autre planète à l'intérieur de la Terre?
La Terre abrite peut-être de gros morceaux d'une autre planète - Gallery
La recherche a conduit les experts de deux spécialités bien distinctes, l'espace et la géologie, à collaborer (image d'illustration).
Une image géante intitulée "Première vue de la Terre depuis la Lune" au California Institute of Technology (Caltech) à Pasadena, en Californie, le 1er juin 2017
Des morceaux d'une autre planète à l'intérieur de la Terre?
La première énigme est l'origine de la Lune, pour laquelle la théorie la plus communément admise est son apparition après l'impact d'une planète en formation avec la future Terre il y a 4,5 milliards d'années. La collision avec Theia, une protoplanète de la taille de Mars, aurait propulsé une quantité suffisante de matière dans l'espace pour que son agglomération forme la Lune.
Restait à trouver des restes de Theia. En regardant non pas en l'air, mais sous terre, si l'on en croit cette étude réalisée par une équipe de scientifiques d'institutions principalement américaines.
Car à 2900 km sous la surface, deux gros «blobs» intriguent les scientifiques depuis leur découverte à l'aide d'ondes sismiques dans les années 1980. Posés au fond du manteau terrestre, la couche séparant le noyau de la Terre de sa croûte, ces masses de la taille d'un continent chacune se situent sous l'Afrique et l'Océan Pacifique.
Plus chaudes et plus denses
Elles sont plus chaudes et plus denses que le milieu qui les entoure. Et les simulations informatiques des chercheurs suggèrent que ces masses sont des «reliques enfouies» de Theia, qui ont pénétré dans la Terre au moment de la collision.
Cette collision a été «l'évènement le plus violent subi par la Terre» dans son histoire, a dit à l'AFP Qian Yuan, chercheur en géodynamique à l'Institut de technologie de Californie (CalTech) et premier auteur de l'étude.
Ce qui rend «très, très étrange» qu'il n'en reste pas de trace visible, selon lui. Et ce qui a motivé sa réflexion: «Où est l'impacteur? Ma réponse: sous la terre».
Entre espace et géologie
La recherche a conduit les experts de deux spécialités bien distinctes, l'espace et la géologie, à collaborer. Theia a percuté la Terre, alors en formation, à plus de 36'000 km/h, une vitesse suffisante pour qu'une partie de l'impacteur pénètre «très profondément dans le manteau inférieur de la Terre».
Ces morceaux de roche essentiellement fondue, larges de plusieurs dizaines de kilomètres, ont refroidi et en se solidifiant sont descendus jusqu'à la limite du manteau et du noyau terrestre. Aidés en cela par une proportion plus importante d'oxyde de fer que celle du milieu terrestre, qui les a rendus plus lourds.
Ils se sont accumulés en deux masses distinctes, dont chacune est plus importante que la Lune, selon M. Yuan, qui insiste par ailleurs sur le fait que ces conclusions restent le fruit de modèles et de simulations nécessairement imparfaits.
Un rôle dans l'évolution
Un expert en sciences de la Terre et en exploration planétaire à l'Université écossaise de Stirling a dit à l'AFP que la théorie avancée par M. Yuan «s'accorde avec plusieurs indices existants». «C'est une trouvaille significative», selon Christian Schroeder, qui n'a pas participé à l'étude.
Même si elle ne règle pas selon lui la question de l'origine de la Lune, cette théorie fournit «une explication crédible aux anomalies constatées à la frontière entre le manteau et le noyau». Quant aux restes de Theia, ils pourraient bien «être responsables de processus en cours importants sur Terre».
Les masses sont réputées acheminer des panaches du manteau, des remontées de magma, vers la surface de la croute terrestre. Un phénomène lié à des éruptions volcaniques mais aussi l'évolution des supercontinents.
Pour M. Yuan, l'impact de Theia a «joué un rôle dans l'évolution qu'a connue la Terre sur 4,5 milliards d'années». Et c'est ce qui selon lui la rendrait «unique (...) différente des autres planètes rocheuses».