Encore tabou La parole se libère timidement autour du deuil périnatal

Relax

20.4.2022 - 12:36

Comment se relever après la mort d'un nouveau-né? Alors que le couple Cristiano Ronaldo et Georgina Rodriguez attendait des jumeaux, l'un d'entre eux n'a pas survécu à l'accouchement. Un drame qui touche en France environ dix naissances sur 1000. Le deuil périnatal est un sujet encore tabou dans notre société et peu reconnu socialement, mais la parole se libère peu à peu.

Les morts périnatales concernent 10,2 naissances sur 1000 selon les derniers chiffres de la DREES.
Les morts périnatales concernent 10,2 naissances sur 1000 selon les derniers chiffres de la DREES.
Photodisc / Getty Images

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«C'est avec une profonde tristesse que nous devons annoncer la mort de notre petit garçon». Dans une publication Instagram, le footballeur Cristiano Ronaldo et sa compagne Georgina Rodriguez ont annoncé le décès d'un de leurs jumeaux lors de l'accouchement. Un drame qui pose la question du deuil périnatal.

Selon la définition de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), on parle de deuil périnatal lorsque des parents perdent leur bébé entre 22 semaines d'aménorrhée et le 7e jour après sa naissance. En France, les morts périnatales concernent 10,2 naissances sur 1000 selon les derniers chiffres de la DREES

Une souffrance taboue

Les parents qui vivent un deuil périnatal font souvent face à une solitude et de l'incompréhension vis-à-vis de leur douleur. «La mère et le père connaissent le bébé par le ressenti, ses mouvements et les images d'échographie, mais les proches ne le connaissent pas, explique la psychanalyste Marie-José Soubieux, alors les parents se battent pour faire vivre le souvenir de cet enfant qui n'a jamais vu le jour».

La co-autrice du livre «Deuil périnatal et groupe de parole pour les mères» (édition érès) a suivi pendant quinze ans un groupe de mères endeuillées. Chaque semaine, c'est elle qui animait les prises de paroles. «Elles souffraient de l'indifférence. Les gens pensent que si le bébé n'est pas né, ce n'est pas grave. Pour eux, le bébé est très vite oublié».

Du côté de l'association Naître et Vivre, la prise de parole est importante pour les familles. «Il y a 25 ans, quand j'ai débuté dans l'association, les personnes qui venaient avaient vécu leur deuil plusieurs années auparavant, explique Myriam Morinay, aujourd'hui les personnes sont plus jeunes. Les profils sont variés, on retrouve des femmes, mais aussi des hommes et des couples homosexuels». Parler de son chagrin «permet de mettre à distance la douleur et d'avoir l'impression de redevenir maître de la situation», encourage la vice-présidente de l'association.

Pour permettre aux parents de prendre part aux groupes de paroles, Naître et Vivre s'est développé dans les grandes villes de France. Pour rejoindre ces groupes de soutiens, l'association propose des échanges par zoom ou en présentiel dans l'une de leurs antennes. En plus, un numéro de téléphone, est joignable 24h/24, 7j/7 (01.47.23.05.08), pour les parents ou les proches endeuillés.

Comment accompagner les personnes qui vivent un deuil périnatal? 

«Une grossesse est synonyme de vie. Là, elle se transforme en deuil. Cela peut être difficile pour les proches d'aborder le sujet», reconnait Marie-José Soubieux spécialiste du deuil périnatal depuis 25 ans. Mais des petites phrases comme «est-ce que je peux faire quelque chose pour toi?», «comment te sens-tu?», «on pense fort à toi», peuvent faire la différence. «Il ne faut pas que les parents se sentent abandonnés», prévient-elle. 

Dans le monde du travail, même si les choses évoluent, il est plus fréquent de voir des parents isolés. «Certains notent que leur collègue les évite, ne les invitent plus à des évènements» remarque la psychiatre. «Le turn-over, les recrutements, les projets, tout cela font que dans le milieu professionnel, les collègues peuvent passer plus rapidement à autre chose et ne plus prendre en compte la souffrance d'un parent», continue Myriam Morinay.  

Des avancées pour une meilleure reconnaissance 

La parole se libère de plus en plus autour de cette souffrance longtemps restée silencieuse. Des films, des livres, des témoignages fleurissent sur le sujet et touche aussi la politique. En préface du livre «Deuil périnatal et groupe de parole pour les mères», Marlène Schiappa, la ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur de France chargée de la Citoyenneté témoigne de la souffrance lors de sa fausse couche en septembre 2021. 

«Les choses ont évolué depuis mon entrée en fonction, raconte Marie-José Soubieux, les bébés qui mouraient pendant la grossesse pouvaient être incinérés avec les déchets de l'hôpital». Aujourd'hui, les sages-femmes et les obstétriciens ont de meilleures connaissances et orientent plus facilement vers les associations de soutien pour les parents endeuillés.

L'état civil s'est aussi adapté. Depuis le décret de 2009, les parents peuvent inscrire leur enfant s'ils le souhaitent, et ce même plusieurs années après.