EPFL Les bactéries utilisent un «sens du toucher» pour se déplacer

uc, ats

4.8.2021 - 12:36

Des chercheurs de l’EPFL décrivent dans la revue PNAS un mécanisme qui permet aux bactéries de diriger leur mouvement en réponse aux propriétés mécaniques des surfaces sur lesquelles elles évoluent, un peu comme un aveugle avec une canne. Ces découvertes pourraient aider à lutter contre certains pathogènes en milieu hospitalier.

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Afin de comprendre ce qui coordonne les moteurs des filaments utilisés par ces bactéries pour se déplacer, les chercheurs de l’EPFL, avec des confrères de l’Université de Californie à San Francisco, se sont penchés sur la manière dont les Pseudomonas se déplacent sur des surfaces telles que le fond d’un récipient de laboratoire. (image d'illustration)
Afin de comprendre ce qui coordonne les moteurs des filaments utilisés par ces bactéries pour se déplacer, les chercheurs de l’EPFL, avec des confrères de l’Université de Californie à San Francisco, se sont penchés sur la manière dont les Pseudomonas se déplacent sur des surfaces telles que le fond d’un récipient de laboratoire. (image d'illustration)
KEYSTONE

«Cette étude change notre manière de penser la motilité des bactéries», indique Alexandre Persat, auteur principal de l'étude, cité mercredi dans un communiqué de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).

Des recherches antérieures ont montré que la bactérie pathogène Pseudomonas aeruginosa utilise pour se déplacer un filament large de quelques nanomètres appelé «pilus de type IV» qui fonctionne comme un harpon: une fois qu’il s’étend et qu’il touche une surface, il active un moteur moléculaire qui entraîne la rétraction du filament, propulsant ainsi la cellule en avant.

Afin de comprendre ce qui coordonne les moteurs de ces filaments, les chercheurs de l’EPFL, avec des confrères de l’Université de Californie à San Francisco, se sont penchés sur la manière dont les bactéries Pseudomonas se déplacent sur des surfaces telles que le fond d’un récipient de laboratoire.

Présumant qu’un réseau de protéines appelé «système Chp» était impliqué dans la régulation des mouvements, ils ont analysé les bactéries chez qui il manquait différents composants du système. Certaines de ces bactéries mutantes pouvaient à peine se déplacer, car elles ne cessaient de bouger en avant et en arrière; d’autres allaient toujours en avant, même lorsqu’elles butaient contre un obstacle.

Messagers opposés

En combinant des marqueurs fluorescents avec une technique de microscopie, les chercheurs ont découvert qu’une protéine messagère activait l’extension des harpons, propulsant la cellule en avant, alors qu’une autre protéine inhibait la formation des filaments à l’avant de la cellule mobile.

Ces deux messagers opposés ne se trouvent pas au même endroit. L’activateur se situe à l’avant, où la cellule sent la surface avec ses filaments, tandis que l’inhibiteur se trouve partout ailleurs. Lorsque les bactéries heurtent un obstacle tel qu’une autre cellule, l’inhibiteur leur permet de s’arrêter et de changer de direction, ont constaté les chercheurs.

«Cela aide les cellules à se diriger en fonction de ce qu’elles sentent devant elles, comme une personne aveugle avec une canne», compare Alexandre Persat. «La capacité à percevoir le milieu qui les entoure est utile lorsque les bactéries se déplacent en groupe, cela aide les microbes à avancer tous dans la même direction», dit-il.

Infections nosocomiales

Ces résultats pourraient avoir des implications considérables pour la santé des êtres humains. En effet, Pseudomonas aeruginosa, un agent pathogène opportuniste que l’on trouve généralement dans les sols, constitue l’une des principales causes d’infections en milieu hospitalier.

Ces bactéries s’agrègent typiquement sur des surfaces telles que des cathéters et des respirateurs et peuvent se montrer extrêmement résistantes aux désinfectants et aux médicaments antimicrobiens Mieux comprendre leur «sens du toucher» pourrait contribuer à mettre au point de nouvelles stratégies de lutte, conclut le scientifique.