PollutionLes particules fines plus nocives que l'on supposait
uc, ats
19.3.2021 - 14:10
Keystone-SDA, uc, ats
19.03.2021, 14:10
ATS
Des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer (PSI) ont observé que des composés nocifs supplémentaires se forment dans des conditions tout à fait banales dans les particules fines en suspension dans l'air. Il faudra peut-être adapter les valeurs limites, selon ces travaux publiés dans la revue Nature Communications.
Les particules fines d'un diamètre inférieur à 10 micromètres sont susceptibles de pénétrer profondément dans les tissus pulmonaires et de s’y fixer, a indiqué vendredi le PSI dans un communiqué. Or elles contiennent des espèces réactives de l’oxygène (ERO), appelées aussi radicaux libres oxygénés, qui peuvent endommager les cellules.
Ces particules sont issues de sources naturelles comme les forêts ou encore les volcans. Mais les activités humaines, par exemple l’industrie et le trafic, multiplient cette quantité.
En règle générale, les particules fines contiennent des composants chimiques, par exemple des métaux comme le cuivre et le fer, ainsi que certains composés organiques. Ces derniers échangent des atomes d’oxygène avec d’autres molécules, ce qui engendre la formation de composés très réactifs comme le peroxyde d’hydrogène, l’hydroxyle ou encore l’hydropéroxyle.
Or ces composés provoquent un stress oxydatif: ils attaquent par exemple les acides gras insaturés dans l’organisme, qui ne peuvent plus servir de constituants pour les cellules. Les pneumonies, l’asthme et d’autres maladies respiratoires seraient liés à ces processus. Il se pourrait même qu’ils provoquent le cancer, étant donné que les ERO peuvent aussi endommager le matériel génétique.
Combinaison unique d’appareils
«Les études menées jusqu’ici ont analysé les particules fines avec des spectromètres de masse pour déterminer leur composition», explique Peter Aaron Alpert, auteur principal de l'étude, cité dans le communiqué. Mais cette méthode ne fournit aucune information ni sur la structure des différentes particules ni sur ce qui se passe à l’intérieur.
«Grâce à la lumière brillante des rayons X de la Source de Lumière Suisse SLS, nous avons réussi à examiner individuellement ces particules avec une résolution inférieure à 1 micromètre et nous avons même pu les scruter à intérieur, alors que des réactions s’y produisaient», dit-il. Pour ce faire, le chercheur a utilisé une cellule développée au PSI, dans laquelle il est possible de simuler les conditions atmosphériques les plus diverses.
Cette cellule peut réguler précisément la température, l’humidité et l’exposition aux gaz; une source lumineuse UV à LED imite la lumière du Soleil. «Cette combinaison est unique au monde», souligne Peter Aaron Alpert.
Composés dangereux piégés
Les chercheurs ont analysé des particules contenant des composants organiques et du fer. Dans l’atmosphère, ces composants s’assemblent en complexes de fer qui, lorsqu’ils sont exposés à la lumière du soleil, réagissent pour former des radicaux libres. Ces radicaux libres fixent à leur tour tout l’oxygène disponible et produisent ainsi les ERO.
Normalement, sous l’effet de la chaleur du soleil, une grande partie de ces ERO devrait se diffuser dans l’air et ne plus présenter de danger lorsque nous inhalons les particules. Mais quand les conditions sont réunies, ces radicaux s’accumulent à l’intérieur des particules et consomment tout l’oxygène disponible en quelques secondes.
Ce phénomène est dû à la viscosité: les particules fines peuvent être dures comme de la pierre ou liquide comme de l’eau, mais aussi, suivant la température et l’humidité, visqueuses comme du sirop ou du chewing-gum. «Cet état garantit que les ERO restent piégés dans la particule», note Peter Aaron Alpert.
«Particulièrement inquiétant»
Le fait que l’interaction du fer et des composés organiques entraîne les plus hautes concentrations en conditions météorologiques de tous les jours – une humidité moyenne de l’air de 50% et des températures d’environ 20 °C – est jugé «particulièrement inquiétant».
«Les sources connues d’ERO peuvent être considérablement amplifiées dans des conditions tout à fait banales», souligne le chercheur. Environ une particule sur 20 est organique et contient du fer.
Pire: les scientifiques partent du principe que presque toutes les particules en suspension forment des radicaux libres supplémentaires de cette manière. Si cela devait se confirmer, il faudrait impérativement adapter les modèles et les valeurs limites pour la qualité de l’air, selon les auteurs, parmi lesquels figurent également des chercheurs de l'EPFZ et de l’Institut Leibniz de recherche troposphérique à Leipzig (D).
Seul point positif en cette période de Covid-19, les ERO attaquent également les bactéries, les virus et d’autres pathogènes présents sur les aérosols, et les mettent hors d’état de nuire. Cela pourrait expliquer pourquoi le virus Sars-CoV-2 survit le moins longtemps dans l’air à température ambiante par une humidité moyenne.