Sceptiques sur le net Oui, il a fait chaud dans le passé, mais le réchauffement existe

ATS

9.8.2022 - 08:16

En pleine vague de chaleur en Europe, les réseaux sociaux ont vu se multiplier les messages présentant des températures extrêmes qui auraient été enregistrées le siècle dernier afin de nier l'existence du réchauffement climatique. Mais, selon les experts, ces pics de chaleur, en supposant même qu'ils aient existé, ne contredisent pas la réalité du phénomène.

Les scientifiques s'accordent à dire que la récente multiplication des épisodes caniculaires est une conséquence directe du réchauffement de la planète, qui accroît à la fois leur fréquence, leur durée et leur intensité.
Les scientifiques s'accordent à dire que la récente multiplication des épisodes caniculaires est une conséquence directe du réchauffement de la planète, qui accroît à la fois leur fréquence, leur durée et leur intensité.
KEYSTONE

Des internautes ont reproduit ces dernières semaines des relevés de températures très élevées vieux de plusieurs décennies, les comparant aux mercures actuels des canicules, qui ont traversé le continent en juin et juillet. La méthode varie peu: ils prennent des vieux almanachs, tableaux de référence ou anciens articles de presse pour trouver, par exemple, des températures de plus de 50 degrés Celsius qui auraient été relevées en Espagne.

L'objectif est de nier le réchauffement climatique. Le fait que des températures très élevées aient pu être observées dans le passé est toutefois parfaitement compatible avec le réchauffement climatique, expliquent les experts consultés par l'AFP, qui mettent en garde contre le fait que ces publications présentent des données isolées qui, de plus, n'ont pas été relevées correctement.

52 degrés à Saragosse

L'une des publications les plus virales ces dernières semaines sur Facebook est une capture d'écran d'un entrefilet paru dans l'édition du New York Times du 23 juin 1935, selon lequel une température de «127 degrés Fahrenheit», soit 52,7 degrés Celsius, aurait été atteinte la veille à Saragosse, dans le nord-est de l'Espagne.

Cette température est nettement supérieure au record national relevé jusqu'à présent par l'agence météorologique espagnole (AEMET), qui a enregistré 47,6 degrés le 14 août 2021 à La Rambla, une petite ville de la province de Cordoue, en Andalousie.

Mais le porte-parole de l'AEMET, Rubén del Campo, a précisé à AFP Factuel que la température maximale enregistrée à Saragosse ce jour-là fut de 39 degrés. «Cette donnée de plus de 52oC est incorrecte. Elle ne figure pas dans notre base de données météorologiques et, de fait, il n'y a aucun relevé qui dépasse les 50oC», a-t-il assuré.

Des critères stricts

De toute façon, «même si la donnée avait été correcte – et j'insiste sur le fait qu'elle ne l'est pas – ce ne serait pas une preuve niant le changement climatique», a poursuivi M. del Campo.

Le quotidien espagnol La Vanguardia s'était, lui aussi, fait écho de températures records en 1935, mais avait précisé que les 51 et 52 degrés avaient été enregistrés «au soleil». Or, pour qu'une mesure soit valide, elle doit être prise dans des conditions obéissant à des critères très stricts, avertissent les experts.

«Les capteurs doivent être protégés du soleil et de la pluie et la température à l'intérieur de la station [météorologique, ndlr] doit être la même qu'à l'extérieur», explique Ricardo Torrijo, technicien météorologue à l'AEMET. Les températures supérieures à 50°C évoquées par la Vanguardia ayant été relevés au soleil, elles ne sont donc pas valides.

Une couverture de l'hebdomadaire El Español datant d'août 1957 est, elle aussi, devenue virale récemment sur les réseaux sociaux pour les mêmes raisons. Sous le titre «L'été le plus chaud du siècle», elle faisait état de températures autour des 50 degrés, mais elles aussi prises au soleil.

Mais même dans l'hypothèse où on aurait atteint ces 50 degrés, «ce ne serait pas un motif pour douter que la situation actuelle est plus chaude», a déclaré à l'AFP Isabel Cacho, professeure à l'université de Barcelone et spécialiste des changements climatiques.

Anomalie

«L'anomalie de ce jour précis a un effet très petit sur la moyenne» des températures sur le long terme, si bien que «la tendance ne change pas», explique Pedro Zorrilla, expert sur le changement climatique chez Greenpeace Espagne.

José Luis García, porte-parole de la même ONG de défense de l'environnement, ajoute que «ces données de hautes températures ne peuvent pas démentir l'existence du changement climatique», car «cela n'a rien à voir». «Les données ponctuelles de températures sont une chose, l'augmentation de la tendance et de la température moyenne en est une autre bien différente», souligne-t-il.

Les scientifiques s'accordent à dire que la récente multiplication des épisodes caniculaires est une conséquence directe du réchauffement de la planète, qui accroît à la fois leur fréquence, leur durée et leur intensité.