Jumelles à la main sur leur catamaran, elles fixent l'horizon bleu au large du golfe de Saint-Tropez, à l'affût du grand dauphin. Le travail de ces biologistes: mieux connaître ce cétacé, en danger en Méditerranée, pour mieux le protéger.
Dauphins en Méditerranée, dans les Bouches-du-Rhône, le 23 juin 2020
Une volontaire de l'association Miraceti observe les dauphins à proximité de Saint-Raphaël (Var) le 7 septembre 2021
Observation des dauphins près de Saint-Raphaël (Var) par l'association Miraceti le 7 septembre 2021
Menacé, le grand dauphin sous étroite surveillance en Méditerranée - Gallery
Dauphins en Méditerranée, dans les Bouches-du-Rhône, le 23 juin 2020
Une volontaire de l'association Miraceti observe les dauphins à proximité de Saint-Raphaël (Var) le 7 septembre 2021
Observation des dauphins près de Saint-Raphaël (Var) par l'association Miraceti le 7 septembre 2021
Leur mission, Tursmed 2, vise à favoriser la conservation du grand dauphin, le «Flipper» sympathique des séries télévisées, espèce commune au début du XXe siècle en Méditerranée, qui s’est sensiblement raréfiée dans les années 1950.
Elle est aujourd'hui classée «vulnérable» par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) qui tient son congrès mondial à Marseille. Durant trois semaines, l'association Miraceti navigue en Méditerranée française, en partenariat avec l'Office français pour la biodiversité (OFB), pour apercevoir cet animal.
Premier objectif: «collecter le maximum de données, de présence et d'absence», résume Andrea Antich, chargée de la mission Tursmed 2, car actuellement «on n'en a pas assez pour estimer les effectifs de population».
«En Méditerranée, ce n'est pas possible d'évaluer l'état écologique des cétacés par manque de campagnes en mer», déplore Benjamin Guichard, chargé de mission à l'OFB. «On n'a qu'une vision partielle des espèces. Avant les années 2000, et notamment le premier survol de la Méditerranée en 2011, on ne savait rien sur nos mammifères marins».
À bord, le protocole est strict: trois observateurs sur le pont et un bateau qui navigue à une vitesse maximale de six noeuds (un peu plus de 10 km/h), pour être sûr de ne rater aucun animal. Quand elles observent un cétacé, les biologistes de Miraceti renseignent dans un logiciel dédié le comportement de l'animal ou du groupe, la présence de bébés ou de jeunes, et le photographient pour l'identifier.
Sentinelle
À leurs côtés pour cette mission qui se fait sous l'égide du ministère de la Transition écologique, Lionel Laso, garde-moniteur au Parc national des Calanques, un ensemble de criques entre Marseille et Cassis, est venu se former.
«Le grand dauphin est le seul cétacé en Méditerranée inféodé au plateau continental, proche des côtes, ce qui l'expose à plus d'interaction avec l'homme que d'autres», constate-t-il. Ce mammifère robuste est aussi intéressant, selon Andrea Antich, comme «sentinelle des autres espèces.»
«Puisqu'il est en haut de la chaîne alimentaire, il va nous donner des informations sur les contaminants dans l'eau». Une étude franco-italienne récente a révélé chez les dauphins de forts taux de PCB (polychlorobiphényles), un pesticide «aux effets neurologiques graves».
Autre danger pour ce prédateur qui, par manque de ressource, a tendance à s'approcher trop près des filets des pêcheurs: la capture accidentelle. Sur l'ensemble des dauphins échoués, 33% le sont à cause de ces captures accidentelles contre seulement 8% il y a 25 ans. «Une mortalité additionnelle importante qui justifie l'amélioration des connaissances et un suivi robuste», conclut un rapport gouvernemental français de 2018.
«Les pêcheurs ont l'obligation de déclarer toute capture de cétacé dans leurs filets mais ils ne le font pas, par peur des représailles», déplore Benjamin Guichard. En Méditerranée, la forte pression touristique génère aussi de nombreuses sorties d'observations des dauphins pas toujours respectueuses de l'animal.
Réduire la vitesse
La Méditerranée, qui ne représente qu'1% des mers du monde, est aussi l'une des plus fréquentées. En dix ans, elle a enregistré une hausse de 58% de la capacité de transit, associée à une augmentation de 30% de la taille des navires. Un trafic responsable de collisions, même si elles touchent davantage les rorquals par exemple.
Seul moyen d'empêcher durablement ces accidents selon Miraceti: imposer une vitesse réduite dans certaines zones, à moins de 10 noeuds marins. Mais les aires marines protégées actuelles ne permettent pas d'obtenir cette régulation que seule l'Organisation maritime internationale (OMI) pourrait imposer.
Lors du sommet de l'UICN à Marseille, quatre pays méditerranéens – France, Italie, Monaco, Espagne – ont annoncé vouloir déposer une motion auprès de l'OMI, proposant d'établir une Zone Maritime Particulièrement Vulnérable en Méditerranée occidentale, pour une meilleure protection des espèces.
Pour Benjamin Guichard, il faut faire vite: «Si on se rend compte d'une diminution des populations lors du prochain survol, ce sera déjà trop tard pour réagir...».