Mode lucrative sans fondement Non, la musique ne peut pas «guérir» les maladies

ATS

14.5.2023 - 09:35

Ecouter un son pour «guérir» du cancer: sur les réseaux sociaux, des vidéos très partagées relaient des musiques relaxantes en leur prêtant des vertus thérapeutiques. Cette mode parfois lucrative peut s'avérer dangereuse si elle pousse à l'arrêt du traitement médical.

«Écouter de la belle musique est reposant et sans doute peut participer à apaiser l'anxiété, peut-être aussi la douleur», estime Pierre Saintigny, oncologue et chercheur. Mais il souligne que la guérison par fréquence sonore n'est «absolument pas» reconnue scientifiquement.
«Écouter de la belle musique est reposant et sans doute peut participer à apaiser l'anxiété, peut-être aussi la douleur», estime Pierre Saintigny, oncologue et chercheur. Mais il souligne que la guérison par fréquence sonore n'est «absolument pas» reconnue scientifiquement.
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Keystone-SDA

Sur TikTok, les vidéos de «solfège sacré», sous le mot-clé #solfeggiofrequencies, cumulent plus de 42 millions de vues. Cette croyance, aux origines floues, consiste à attribuer à des fréquences sonores, mesurées en hertz, diverses vertus thérapeutiques.

Si des internautes se contentent de mettre en avant des propriétés apaisantes ou spirituelles, d'autres affirment que ces sons pourraient carrément guérir «acné, cancer, grippe», «éliminer les toxines, stimuler le système immunitaire» ou encore «nettoyer les infections».

Sur Spotify et Deezer, on trouve de nombreuses playlists titrées «Destruction des cellules cancéreuses par le solfège sacré» ou encore «solfège sacré, la musique de guérison pour l'activation de l'ADN».

Risques

«Écouter de la belle musique est reposant et sans doute peut participer à apaiser l'anxiété, peut-être aussi la douleur», estime Pierre Saintigny, oncologue et chercheur. Mais il souligne que la guérison par fréquence sonore n'est «absolument pas» reconnue scientifiquement.

Pour la sociologue des sciences et des croyances Romy Sauvayre, il existe un risque de retard de soins, voire de perte de chance pour les patients quand ils pensent que ce traitement alternatif peut se substituer à la médecine traditionnelle. «C'est toujours plus agréable d'écouter des sons que de subir une chimiothérapie ou que de savoir qu'il n'existe pas de traitement», poursuit-elle.

En France, la direction générale de la santé (DGS) pointe de son côté un risque de dérive sectaire pouvant naître de cette pratique, même si la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) indique ne pas avoir reçu pour l'heure de signalement sur le «solfège sacré».

«Dire que l'on peut régénérer des cellules est un discours dangereux qui s'inscrit dans la vague New Age et anti-sciences. C'est courant de jouer sur la spiritualité, le bien-être et le développement personnel pour proposer des remèdes. Cela peut être une porte d'entrée à une emprise», met en garde Marie Drilhon, vice-présidente de l'union nationale des associations de défense des familles et individus victimes de sectes (UNADFI).

Fausses promesses

Sont notamment pointées du doigt des formules payantes et particulièrement lucratives associées à ces «fréquences de guérison».

Sur le site «developpementperso.com», des musiques appelées «fréquences thérapeutiques de guérison» sont ainsi vendues 149 euros (149 francs). Une fréquence, celle de 528 hertz, est, elle, commercialisée pour 47 euros sur le site mental-waves.com sous le nom «fréquence miraculeuse» accompagnée d'une description assurant, sans aucun fondement scientifique, qu'il « a été prouvé que le fait d'écouter une seule et simple note de musique vibrant à 528 Hz pouvait réparer notre ADN «.

«Il faut faire la différence entre bien-être avec une musique qui berce et la promesse d'une guérison du cancer, cette dernière s'apparentant à de la publicité mensongère», constate Mme Drilhon.

Dénigrer la médecine

La direction française de la répression des fraudes (DGCCRF) explique que ces pratiques relèvent d'une «pratique commerciale trompeuse» pouvant être punies de deux ans d'emprisonnement et 300'000 euros d'amende, puisqu'il s'agit «d'affirmer faussement qu'un produit ou une prestation de services est de nature à guérir des maladies, des dysfonctionnements ou des malformations».

La DGS appelle à se méfier d'un site qui «dénigre la médecine conventionnelle et les traitements qu'elle propose, incite à arrêter les traitements, promet une guérison 'miracle' même à un stade avancé de la maladie».

Pour la DGS, le «solfège sacré» entre dans le champ de la «musicothérapie», qui «fait partie» des pratiques de soins non conventionnelles (PSNC), en forte croissance depuis une quinzaine d'années et qui se sont accélérées depuis le Covid-19.

Interrogée par l'AFP, la société française de musicothérapie indique que le «solfège sacré» n'est «ni reconnu ni pratiqué» par leurs membres et que la «musicothérapie doit venir en complément de traitements médicamenteux pour les cancers».