Photo non datée diffusée le 6 octobre 2020 d'Andrea Ghez, professeure d'astronomie à l'université de Californie Los Angeles, et prix Nobel 2020 de physique pour ses découvertes sur les trous noirs
Le trou noir M87, dans une image publiée le 10 avril 2019 par l'équipe Event Horizon Telescope
«Très peu de gens comprennent ce qu'est un trou noir», dit la Nobel Andrea Ghez
Photo non datée diffusée le 6 octobre 2020 d'Andrea Ghez, professeure d'astronomie à l'université de Californie Los Angeles, et prix Nobel 2020 de physique pour ses découvertes sur les trous noirs
Le trou noir M87, dans une image publiée le 10 avril 2019 par l'équipe Event Horizon Telescope
Quand on demande à la professeure d'astronomie américaine Andrea Ghez, l'une des trois lauréats 2020 du prix Nobel de physique attribué mardi, comment elle explique un trou noir à un enfant, elle répond: «Un objet dont la force gravitationnelle est si intense que rien ne peut en réchapper, pas même la lumière».
La définition ne satisfait pas toujours la curiosité de ses interlocuteurs.
«Très peu de gens comprennent ce qu'est un trou noir, mais beaucoup de gens sont fascinés par eux», dit Andrea Ghez au téléphone à l'AFP depuis la Californie, une heure après être devenue la quatrième femme à recevoir le prix de physique.
Son groupe de chercheurs a fêté cet été le 25e anniversaire du début de leurs travaux qui ont culminé, à l'aide de gigantesques télescopes à Hawaï et d'innombrables calculs, par la mesure du trou noir supermassif au centre de la Voie lactée, appelé Sagittarius A*.
«Il est très difficile de conceptualiser un trou noir», convient-elle. «Les lois de la physique près d'un trou noir sont si différentes de celles qui opèrent sur Terre, qu'on n'a aucune intuition pour les choses qu'on cherche».
«Je peux le penser mathématiquement, abstraitement, mais former une image est très difficile, car l'espace et le temps se mélangent».
La façon de «voir» un trou noir, par définition invisible, est d'observer les objets qui tournent autour, et qui révèlent en creux la présence du géant.
En l'occurrence, les étoiles. Andrea Ghez confirme qu'après 25 ans, elle a une carte mentale très précise des étoiles qui tournent autour de Sagittarius A*.
«Les étoiles sont comme des enfants dont on connaît tous les noms, mais elles changent un petit peu chaque année», dit l'astronome.
Sait-elle exactement où se trouve l'étoile S2, dont elle a précisément cartographié les 16 années d'orbite autour du trou noir? «On surveille l'étoile de près».
- «Déchiqueté» -
Autre question de néophyte: est-il vrai, comme l'écrit l'académie suédoise, qu'on ne sentirait rien si on tombait dans un trou noir?
«On ne survivrait pas. Si vous tombiez les pieds en avant dans un trou noir, la première chose qui se passerait est que l'attraction gravitationnelle serait tellement plus forte sur vos pieds que votre tête, que vous seriez déchiqueté. On ne sentirait donc rien car nous n'existerions plus, nous ne survivrions pas, nous nous désagrégerions en nos éléments fondamentaux».
«Cela ne me plairait pas», conclut-elle.
Andrea Ghez, titulaire d'un doctorat de Caltech (1992), est depuis 1994 à l'université de Californie à Los Angeles, où elle co-dirige le centre galactique. Elle croit dur comme fer que nombre de mystères des trous noirs seront encore éclaircis au cours de sa vie.
«C'est un domaine de la physique où le rythme des découvertes s'accélère, car la technologie évolue à toute vitesse. Et franchement, on en sait si peu».
Il y a deux ans, la physicienne canadienne Donna Strickland a obtenu le Nobel de physique, et avant elles, deux femmes seulement l'ont remporté, en 1963 (Maria Goeppert Mayer) et 1903 (Marie Curie). Contre plus de 200 hommes.
«Le domaine a longtemps été dominé par les hommes, mais il y a de plus en plus de femmes qui entrent dans la discipline. Je suis ravie de pouvoir être un modèle pour les jeunes femmes qui envisagent de se lancer», conclut la scientifique.
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