En coulissesUn historien met au jour l'implication suisse dans les colonies
ats
6.11.2023 - 06:31
Bien qu'exempte de politique coloniale officielle, la Suisse a joué un rôle actif dans les colonies, selon l'historien Fabio Rossinelli. La Confédération a participé à la colonisation de manière informelle à travers l'économie et retirait certains avantages à rester en retrait, affirme-t-il.
Keystone-SDA, ats
06.11.2023, 06:31
ATS
«L'Etat participait à ce que les intérêts économiques et migratoires de la Suisse puissent s'étendre et soutenait également des initiatives privées pour la diffusion de l'idéologie coloniale», indique le docteur en histoire contemporaine lundi dans Le Courrier.
L'historien révèle l'existence en Suisse de sociétés de géographie, présentes partout en Europe et où patrons, politiciens, chefs de l'armée et intellectuels se réunissaient informellement et à huis clos pour étudier le monde. «Les sociétés helvétiques discutaient sur la base de cartes pour améliorer la compétitivité de la Suisse dans le monde et diffusaient une vision coloniale et raciste via des congrès, publications et expositions», explique-t-il.
Des membres du Conseil national et du Conseil fédéral, parmi lesquels le conseiller fédéral Numa Droz, en faisaient partie à titre privé. Le Neuchâtelois a agi en faveur de ces sociétés en nommant deux de ses membres commissaires du Bureau fédéral de l'émigration créé en 1888 par la Confédération.
Neutralité avantageuse
Le bureau participait en coulisses à transmettre des informations économiques aux sociétés de géographie qui les transféraient à leurs associés, explique M. Rossinelli. La Suisse s'affirmait ainsi comme puissance économique et affirmait en parallèle sa politique de bons offices.
La Confédération a également tiré profit de sa neutralité, en étant largement impliquée dans l'arbitrage entre empires qui se disputaient des zones d'exploitation. Au XIXe siècle, l'ambassade de France a Berne a déclaré «la marine de la Suisse, c'est l'arbitrage». Cela laisse penser qu'il y avait des contreparties, indique l'historien.
La Suisse a par exemple arbitré un conflit opposant les Etats-Unis et la Grande-Bretagne au Portugal à propos d'une ligne de chemin de fer traversant le Mozambique. Durant l'arbitrage qui a duré une décennie le Portugal a renoncé à expulser les missionnaires romands de son territoire mozambiquien pour éviter des tensions avec le Conseil fédéral qui devait prononcer son jugement.
Le récit national s'en tient actuellement à l'absence d'implication officielle de la Suisse dans l'entreprise coloniale. «Si la Confédération commençait à dire qu'elle était présente comme Etat dans l'entreprise coloniale, elle ouvrirait une brèche qui entacherait la mémoire de l'histoire suisse, affirme M. Rossinelli. Et des questions brûlantes d'éventuelles réparations se poseraient».