L'animal le plus braconné Un projet veut sauver les pangolins de l’extinction

De Kristin Palitza, dpa/uri

2.9.2020

On le surnomme affectueusement «pomme de pin ambulante». Mais les écailles si typiques du pangolin sont convoitées et en font l’animal le plus braconné au monde. Une réserve en Afrique du Sud lutte contre son extinction dans le cadre d’un projet pilote.

Contrairement au rhinocéros, il n’a pas de corne, mais ses écailles sont tout aussi recherchées. Le pangolin est l’animal le plus braconné et commercialisé illégalement au monde, loin devant le rhinocéros. Il est devenu célèbre dernièrement dans le cadre de la pandémie de coronavirus: ce mammifère bizarre est soupçonné d’avoir servi d’hôte intermédiaire lors de la transmission du SARS-CoV-2 de la chauve-souris à l’homme.

Ce timide insectivore qui se roule en boule lorsqu’il se sent menacé est déjà menacé d’extinction en Asie où quatre espèces sont présentes. Et les quatre espèces qui vivent en Afrique sont de plus en plus visées par les braconniers. Toutes les cinq minutes, un pangolin est victime du braconnage, selon le bilan établi par la société savante Zoological Society of London (ZSL), qui gère notamment le zoo de Londres.

L’adorable pangolin est soupçonné d’avoir servi d’hôte intermédiaire au coronavirus – une théorie avec laquelle Christian Drosten, expert populaire, n’est pas d’accord.
L’adorable pangolin est soupçonné d’avoir servi d’hôte intermédiaire au coronavirus – une théorie avec laquelle Christian Drosten, expert populaire, n’est pas d’accord.
Keystone

Course contre la montre

Dans cette course contre la montre, un groupe de défenseurs de la nature œuvrant dans une réserve naturelle de l’est de l’Afrique du Sud, dans la province du KwaZulu-Natal, tente d’établir une nouvelle population de pangolins et de sauver l’espèce de l’extinction. Ce projet est à ce jour unique au monde.

«C’est la première fois – en Afrique du Sud, en Afrique et dans le monde – que des pangolins sont réintroduits dans une zone où ils étaient éteints», déclare Simon Naylor, responsable de la réserve privée de Phinda où se passe la réintroduction.

On les surnomme aussi affectueusement «pommes de pin ambulantes» ou «artichauts à queue». Leurs écailles sont très recherchées dans la médecine asiatique, mais aussi africaine – toutefois, comme la corne des rhinocéros, elles sont faites de kératine, la même matière que les ongles humains. C’est surtout la demande en produits à base de pangolins en provenance de Chine et du Vietnam qui accélère leur braconnage, écrit la ZSL sur sa page d’accueil. Cependant, le Vietnam veut mettre un terme au commerce des animaux sauvages: à l’avenir, l’importation d’espèces menacées (telles que le pangolin et la civette) et le commerce d’animaux sauvages sur les marchés seront interdits – selon les organisations de protection des animaux, c’est ce que prévoit un décret du chef du gouvernement Nguyen Xuan Phuc publié mi-juillet.

Simon Naylor (à gauche) de la réserve de Phinda et la spécialiste de la réhabilitation Nicci Wright sont à la recherche des pangolins libérés. (archive)
Simon Naylor (à gauche) de la réserve de Phinda et la spécialiste de la réhabilitation Nicci Wright sont à la recherche des pangolins libérés. (archive)
Bild: dpa

Leur viande est considérée comme un mets délicat en Asie

En outre, ce qui est fatal aux pangolins, c’est que leur viande est considérée comme un mets délicat, en particulier en Asie. Un bol de soupe de fœtus de pangolin y coûte environ 2500 dollars (environ 2270 francs) dans certaines régions du continent, indique Charli de Vos, collaborateur de Phinda.

Plus d’un million de ces adorables mammifères ont été braconnés au cours des dix dernières années – plus que les rhinocéros, les éléphants et les tigres réunis, selon la ZSL. Personne ne sait combien de ces créatures nocturnes et solitaires vivent encore à l’état sauvage, mais leur nombre diminue rapidement d’après les écologistes.

Outre le braconnage, le pangolin africain est également menacé par la perte de son habitat, le commerce local de la viande de brousse et l’utilisation de ses écailles dans les vêtements africains traditionnels.

Des agents indonésiens brûlent des pangolins tués saisis à la douane. (archive)
Des agents indonésiens brûlent des pangolins tués saisis à la douane. (archive)
Keystone

Les braconniers traitent extrêmement mal les animaux

Le projet dans la réserve de Phinda, où le dernier pangolin sauvage a été repéré en 1984, a récemment relâché son huitième pangolin de Temminck (Smutsia temminckii). Ces animaux au long museau, qui aiment se nourrir de fourmis et de termites, ont tous été sauvés des braconniers ou des marchands illégaux d’animaux sauvages dans toute l’Afrique du Sud.

Les braconniers traitent souvent ces animaux menacés de la pire des façons: certains sont transportés dans des caisses en bois ou des cages si étroites qu’ils doivent rester roulés en boule sans pouvoir s’étendre pendant des jours. D’autres sont transportés dans des sacs. Ils se font cogner, sont lâchés et piétinés.

«Non seulement ils sont déshydratés, affamés et amaigris, mais ils sont aussi complètement traumatisés», explique Nicci Wright, directrice du Johannesburg Wildlife Veterinary Hospital, qui soigne les pangolins sauvés. Les animaux doivent être acclimatés lentement et prudemment à leur nouvel habitat dans la réserve.
Ils dorment d’abord dans des caisses spécialement conçues à cet effet dans la maison et ne sont libérés que quelques heures durant lesquelles les défenseurs des animaux les suivent et les observent.

Les douanes de Hong Kong ont saisi des sacs de pangolins: les écailles sont utilisées dans la médecine asiatique – ainsi que dans des vêtements africains traditionnels.
Les douanes de Hong Kong ont saisi des sacs de pangolins: les écailles sont utilisées dans la médecine asiatique – ainsi que dans des vêtements africains traditionnels.
Keystone

Les revers ne sont pas négligés

Dès qu’ils s’habituent à leur nouvel environnement et qu’ils sont bien nourris, les pangolins sont équipés d’émetteurs satellite et continuent à être surveillés 24 heures sur 24 par une unité anti-braconnier et une équipe de protection de la nature – et ce, pour assurer leur survie.
Si le projet est couronné de succès, il pourrait devenir le ferment susceptible de constituer d’autres populations de cette espèce menacée», explique Naylor.

Cependant, il y a eu des revers. Deux des huit animaux sauvés n’ont pas survécu: l’un a été mangé par un crocodile, l’autre est mort de bilharziose. «Mais ça se passe bien mieux que prévu», assure de Vos. «Le taux de survie est généralement d’un sur cinq, donc ils se portent mieux qu’on ne l’aurait cru possible.» En fin de compte, les défenseurs de la nature espèrent que les pangolins se sentiront assez à l’aise pour s’accoupler. Cela permettrait à la population de croître à nouveau, lentement.

Les défenseurs des animaux explorent actuellement une réserve voisine qu’ils veulent utiliser comme zone de réintroduction supplémentaire. La réserve de Phinda peut accueillir une vingtaine d’animaux. Ray Jansen, président de l’African Pangolin Working Group (APWG), qualifie le projet «d’étude capitale». Il espère qu’il débouchera sur une série de directives et de bonnes pratiques qui pourront être appliquées par d’autres projets de réhabilitation dans le monde entier. «Chaque pangolin compte», ajoute de Vos. «Si on ne les sauve pas un à un, ils finiront par être éteints.»

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