Enterrés au coeur de Paris, ces morts n'avaient pas été vus depuis l'Antiquité: une nécropole implantée au sud de Lutèce, avec de nombreuses sépultures et offrandes, a été mise au jour lors de travaux du RER, une découverte qui aidera à mieux comprendre la vie des «Parisii».
Un squelette de la nécropole antique mise au jour à la station Port-Royal à Paris, le 18 avril 2023
Fouilles préventives d'une nécropole de Lutèce dans le RER B à Paris le 18 avril 2023
Une nécropole antique de Lutèce ressurgit du RER parisien - Gallery
Un squelette de la nécropole antique mise au jour à la station Port-Royal à Paris, le 18 avril 2023
Fouilles préventives d'une nécropole de Lutèce dans le RER B à Paris le 18 avril 2023
Une cinquantaine de squelettes étaient enfouis là depuis le IIe siècle, à quelques mètres de l'entrée de la station Port-Royal sur la rive gauche de la capitale. La fosse avait échappé aux multiples travaux de voierie, dont la construction du RER B dans les années 1970.
Jusqu'à la création d'une nouvelle sortie pour les usagers et la prescription d'une fouille archéologique préventive. «Il y avait une forte suspicion car on se trouve tout près de la nécropole sud de Lutèce», a expliqué Camille Colonna, responsable des recherches archéologiques et anthropologue à l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), lors d'une visite de presse du chantier.
Cette nécropole dite de Saint-Jacques, la plus grande de la cité gallo-romaine, était connue car elle avait été partiellement fouillée au XIXe siècle. Mais trop rapidement, les méthodes de l'époque ne s'intéressant qu'aux objets précieux, délaissant les squelettes et toutes les autres données permettant de comprendre le contexte.
Tout a été recouvert depuis, et ces informations sont perdues. Un îlot de la nécropole encore jamais fouillé, a heureusement été préservé. "Personne ne l'avait vu depuis l'Antiquité», s'enthousiasme Dominique Garcia, président de l'Inrap.
«On était très contents: lors du sondage on a trouvé un premier squelette avec une pièce de monnaie dans la bouche, ce qui nous a permis de dater la sépulture, au IIe siècle de notre ère», raconte Camille Colonna.
Les fouilles démarrent en mars. Une cinquantaine de sépultures sont mises au jour, toutes à inhumation – et non à incinération comme cela se pratiquait aussi.
«Passeur des enfers»
Les défunts étaient placés dans des cercueils en bois, eux-mêmes mal conservés mais que les archéologues ont pu restituer grâce aux clous toujours présents. Y gisent des hommes, des femmes et des enfants, allongés sur le dos. Il s'agit très probablement de Parisii, le peuple gaulois installé à Lutèce, sous domination romaine, selon Dominique Garcia.
Un peu plus de la moitié des inhumations est accompagnée de dépôts: récipients en céramique (cruches, gobelets, vases...) ou en verre. Plus rarement, une pièce a été déposée dans le cercueil, ou dans la bouche du défunt, «une pratique courante dans l'Antiquité qui constitue probablement l'obole du passeur des enfers, Charon», précise l'Inrap.
«De façon récurrente on retrouve des chaussures subsistant par la présence des petits clous formant la semelle. Elles sont soit aux pieds du défunt, soit déposées à côté de lui, comme une offrande», décrit Camille Colonna.
Des objets liés à l'habillement (bijoux, épingles à cheveux, ceintures) ont aussi été trouvés. Et une unique fosse contenant le squelette d'un porc entier, ceux d'un autre petit animal, avec deux récipients en céramique: sans doute une «fosse à offrandes».
D'ici la fermeture prochaine du chantier de fouilles, tous ces indices vont être prélevés – sans exception cette fois – et envoyés en laboratoire.
«Cela nous permettra de comprendre la vie des Parisii à travers leurs rites funéraires, ainsi que l'état sanitaire des personnes grâce à l'étude de leur ADN», selon l'anthropologue.
Ces fouilles ouvrent «une véritable fenêtre sur le monde funéraire de Paris dans l'Antiquité», alors que l'histoire antique de la capitale «est globalement mal connue», souligne Dominique Garcia. «Ce qu'on retrouve dans les tombes, on le retrouve aussi dans l'habitat, et cela nous en apprendra davantage sur les lieux d'approvisionnement des Parisiens de l'époque», se réjouit-il.