Permettre au Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) de fouiller dans les téléphones portables des requérants d'asile pour les identifier divise. L'OSAR dénonce une grave atteinte à la sphère privée. Pour la droite, ce droit de regard est toléré au regard de l'enjeu.
Le projet de loi, mis en consultation jusqu'à jeudi, émane de la commission des institutions politiques du Conseil national. Il prévoit de permettre aux autorités d'accéder aux smartphones, tablettes ou ordinateurs portables des requérants d'asile, dans le but d'établir leur identité et leur nationalité.
Le conseiller national Gregor Rutz (UDC/ZH), à l'origine de cette initiative parlementaire, invoquait le fait que huit requérants sur dix étaient entrés en Suisse sans papiers en 2016, mais avec un téléphone mobile, une tablette ou un ordinateur.
Pour l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR), le projet est contestable tant du point de vue de l'Etat de droit que de la protection des données. Les requérants ont déjà l'obligation légale de collaborer à la procédure. S'ils y consentent, ils peuvent déjà mettre à disposition ces données à des fins de preuves. Les y obliger est disproportionné.
Pas convaincant en Allemgne
Une telle disposition laisse supposer que les demandeurs d'asile sont des criminels potentiels. A l'inverse, les contrôles des autorités qui consultent les données privées de ces personnes ne seraient soumis à aucun contrôle judiciaire, ajoute l'OSAR.
La plateforme d'information asile.ch rappelle que l'expérience menée en Allemagne durant 18 mois a montré peu d'effficacité. Les analyses des supports de données n’ont apporté aucune information utilisable dans 64% des situations. Elles ont permis de confirmer l’identité des personnes dans 34% des cas et de la réfuter dans 2% des cas seulement.
En outre, la mise en place de cette procédure dans deux centres fédéraux dans le cadre d’une phase pilote a entraîné un surcroît de travail, alors même que les demandes d’asile étaient au plus bas. Etendre la démarche au niveau national exigerait «des ressources supplémentaires», notamment en cas de hausse des demandes d’asile. Des charges que «le SEM n’est pas en mesure à ce stade de chiffrer précisément.»
Aussi pour les renvois
Enfin, l’avant-projet de loi ne se limiterait pas à la procédure d'asile. Il serait étendu à la phase d’exécution des renvois. Ainsi, si la personne déboutée refuse la saisie, son refus peut conduire à «l’application des mesures de contraintes», en d’autres termes à une mise en détention administrative, écrit asile.ch.
A ce propos, le canton de Genève relève que les étrangers qui font l'objet d'une décision de renvoi et d'expulsion non exécutée en raison de difficulté à établir leur identité n'ont dans la majorité des cas jamais déposé de demande d'asile en Suisse ou en Europe.
De manière générale, les cantons se montrent divisés sur le projet de loi. Genève ne le soutient que du bout des lèvres. L'utilisation des données doit strictement se limiter à l'identification, n'intervenir qu'en dernier recours avec le consentement du requérant et après que ce dernier a démontré qu'il refuse de coopérer.
Neuchâtel y est carrément opposé. «Ce projet implique une intrusion invasive dans la vie privée des requérant-e-s d’asile sans restriction alors que le droit pénal réglemente de manière très restrictive la fouille des données des téléphones portables».
Fribourg au contraire l'approuve, rappelant que l’effacement des données recueillies est expressément prévu au bout d'un an. La Conférence des directeurs cantonaux de justice et police n'a pas émis de prise de position.
Duel gauche-droite
Du côté des partis, PS et Verts rejettent catégoriquement ce développement du droit d'asile. Ce projet risque de faire voler en éclats la politique de protection des données, écrit le PS. En outre il va prolonger les procédures d'asile, alors que la révision de 2015 voulait justement les accélérer. Les Verts dénoncent eux l'absence de feu vert du Préposé fédéral à la protection des données.
A droite, le PLR salue une facilitation et une crédibilité renforcée de l'asile dans son ensemble. Le PLR reconnaît une atteinte à la sphère privée, mais elle est selon lui «acceptable et proportionnée». Un avis partagé par le PDC.
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