Pas d'insectes sur la calandre?Bon pour la voiture, mauvais pour vous
Anne Funk et Julian Weinberger
10.8.2022
«Avant, il y avait un énorme bourdonnement, cette année, c'était relativement calme» : dans un entretien avec «blue News», un expert met en garde contre les conséquences dramatiques de la disparition des insectes. Il n'est toutefois pas encore trop tard.
Anne Funk et Julian Weinberger
10.08.2022, 11:46
10.08.2022, 11:47
Anne Funk et Julian Weinberger
Partir en vacances en Italie en voiture ou faire un court voyage au Tessin : de nombreux Suisses utilisent leur voiture pour passer le plus beau moment de l'année ailleurs. Si la joie d'arriver à destination après plusieurs heures de route est grande, la frustration l'est tout autant en regardant l'avant de la voiture. Le pare-brise et la plaque d'immatriculation sont recouverts d'insectes morts.
Mais si l'on y regarde de plus près cette année, on remarquera que la quantité d'insectes collés a nettement diminué par rapport à ce que l'on pouvait trouver, par exemple, il y a dix ans. C'est également la conclusion d'une étude britannique menée par l'organisation Bugs Matter en collaboration avec le Kent Wildlife Trust, qui s'est inspirée de ce phénomène dit du «pare-brise».
Des centaines de citoyens ont été invités à compter les insectes morts sur leurs plaques d'immatriculation après avoir conduit leur voiture durant l'été 2021. En comparaison avec une étude similaire de 2004, il s'est avéré que le nombre d'animaux comptés était inférieur de 65% en Angleterre, de 55% au Pays de Galles et de 28% en Écosse.
Situation dramatique sur le Plateau suisse
Bien que des études comparables manquent dans notre pays, la situation en Suisse est tout aussi alarmante. Dans le rapport d'état «Diversité des insectes en Suisse», publié par le Forum Biodiversité de l'Académie suisse des sciences naturelles, des chercheurs décrivaient déjà la situation en septembre 2021 comme «préoccupante».
L'un des auteurs du rapport, Roland Mühlethaler, confirme dans un entretien avec blue News : «Au début de l'été, lorsque les tilleuls sont en fleurs, il y avait auparavant un bourdonnement géant d'abeilles. Cette année, c'était relativement calme».
Les chiffres du rapport sont éloquents : 60 pour cent des 1153 espèces d'insectes sont menacées ou potentiellement menacées. Depuis le milieu du siècle environ, «on constate en Suisse de grandes pertes nationales, régionales et locales de la diversité des insectes et une diminution de la taille des populations, surtout sur le Plateau», souligne l'expert. La situation y est «dramatique».
Chacun peut faire quelque chose...
Depuis la publication du rapport, Roland Mühlethaler a certes reçu des échos positifs de la part des politiques, mais il affirme qu'«il faudrait faire encore beaucoup plus pour pouvoir protéger activement les insectes».
D'un point de vue écologique, de nombreux insectes se trouvent au début de la chaîne alimentaire. Si ces réseaux écologiques disparaissent, «cela aura beaucoup de conséquences», prévient le chercheur pour «blue News».
Mais les alternatives humaines ne sont ni une solution à long terme ni une solution économique. Les technologies qui pourraient remplacer le travail des insectes engloutiraient des «sommes folles» et, d'une manière générale, le principe suivant s'appliquerait ajoute le spécialiste: «On ne peut pas tenter de résoudre en quelques années par la technique ce qui s'est établi entre les pollinisateurs et les fleurs pendant des millions d'années».
Pour inverser la tendance à long terme, le scientifique en appelle donc à la responsabilité des politiques. Mais les modifications de loi et les grands programmes ne suffisent pas. Chacun peut aussi agir individuellement, remarque Roland Mühlethaler.
Cela commence par exemple par le comportement de consommation : «Chacun et chacune peut réfléchir aux aliments qu'il achète et à leur provenance». Acheter des produits régionaux ou soutenir les exploitations biologiques est notamment bénéfique pour ces petites bêtes.
«Sans les insectes, point d'humains»
«Dans son propre jardin, on peut aider en faisant pousser des fleurs», poursuit Roland Mühlethaler. Mais dans l'ensemble, il estime qu'il y a encore du travail à faire pour sensibiliser le grand public au problème de la disparition des insectes. «On peut le dire en quelques mots : sans les insectes, nous, les hommes, ne pourrions pas survivre sur la Terre», explique le chercheur.
Les fréquentes périodes de chaleur actuelles ne sont pas nécessairement mauvaises pour les insectes, car ils sont des «animaux thermophiles». Ce n'est que lorsque des espèces étrangères supplantent les insectes indigènes que des problèmes peuvent survenir.
En outre, la chaleur favorise la propagation de parasites tels que les scolytes, explique Mühlethaler : «On a alors certes plus d'insectes, mais pas ceux que l'on souhaiterait avoir». D'une manière générale, le facteur climatique n'est toutefois pas décisif selon l'expert.
La «perte du paysage et des habitats appropriés ainsi que l'agriculture trop intensive» sont plus problématiques. Malgré toutes les difficultés, Roland Mühlethaler envisage l'avenir avec optimisme : «Je pense positivement et je sais que les insectes peuvent se rétablir assez rapidement». Il faut juste éviter d'en arriver au «point de non-retour».