Beat Jans «C'est un grand potentiel laissé en jachère»

nipa, ats

2.4.2024 - 09:30

Le conseiller fédéral Beat Jans veut réduire rapidement le nombre des demandes d'asile en suspens. Cet objectif est l'une de ses priorités, a dit le socialiste mardi en conférence de presse à Berne, à l'occasion d'un premier bilan après 100 jours en fonction.

Réduire rapidement les demandes d'asile en suspens est une priorité du ministre Beat Jans (archives).
Réduire rapidement les demandes d'asile en suspens est une priorité du ministre Beat Jans (archives).
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Keystone-SDA, nipa, ats

La priorité du chef du Département fédéral de justice et police (DFJP) dans le domaine de l'asile et des migrations est de diminuer le nombre de demandes d'asile de première instance en suspens. En 2023, 15'567 cas étaient concernés, soit 3328 de plus que l'année précédente.

«C'est trop», a lancé Beat Jans dans son discours. Le Bâlois a déjà annoncé vouloir étendre aux six centres fédéraux d'ici fin avril le nombre de procédures rapides en 24h pour les demandes vouées à l'échec, notamment celles venant du Maroc, d'Algérie, de Libye et de Tunisie. La Suisse s'évite aussi par ce biais des coûts sociaux.

Projet utile

Le projet-pilote mené au centre fédéral de Zurich a montré son utilité: entre novembre et février, le nombre de requérants d'asile venus du Maghreb a diminué de 70%, selon le ministre.

Les procédures ne sont pas abrégées ou modifiées, c'est le temps d'attente qui est réduit entre les différentes étapes. A ce jour, le Tribunal administratif fédéral a confirmé toutes les décisions du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) prises en 24h et n'a conclu à aucune atteinte aux garanties de procédure, fait valoir le DFJP dans un document.

Le SEM va engager davantage de collaborateurs pour faire face à ces demandes en suspens, a précisé Beat Jans. C'était une «erreur» de réduire le nombre de postes de travail au sein du SEM il y a quelques années, alors que le nombre de ces demandes avait reculé.

Perspectives difficiles

«Si ces personnes ne viennent pas du tout en Suisse, nous pouvons libérer des places d'hébergement et des ressources», a rappelé le chef du DFJP. Car la question de l'hébergement reste préoccupante. Une nouvelle stratégie globale doit être planifiée avec les cantons. Il faut notamment améliorer la coopération en cas de crise.

Pour 2024, le SEM table sur différents scénarios, et penche actuellement pour une estimation d'environ 30'000 demandes d'asile, majoritairement sur le deuxième semestre. Les demandes ne pourront pas être traitées immédiatement dans ce cas, et il faudra disposer de réserves en matière de logement.

Au 1er septembre, le SEM devrait disposer de 9100 places: environ 4870 dans les centres fédéraux, 1300 dans des structures temporaires souterraines, et 2920 places de l'armée. La situation pourrait donc être tout juste gérable, voir non gérable en cas d'aggravation.

Dans ce cas, quelque 3000 places supplémentaires seraient nécessaires, l'armée pouvant en rajouter 600 à partir de novembre. Pour le reste, le SEM et les cantons «cherchent des solutions» (installations de la protection civile, etc), a dit Beat Jans.

Intégrer les Ukrainiens

L'autre grande priorité du nouveau conseiller fédéral dans le domaine migratoire, c'est l'intégration des personnes réfugiées sur le marché du travail suisse, notamment les Ukrainiennes et les Ukrainiens. Actuellement, le taux de ces personnes en emploi se monte à près de 20%. «C'est un grand potentiel laissé en jachère».

La Suisse fait figure de mauvaise élève en comparaison avec d'autres pays européens. Les obstacles sont réels: capacités linguistiques trop faibles, manque d'accompagnement des offices de chômage dans certains cantons.

Le ministre veut atteindre les 40%. «Je vais présenter au Conseil fédéral début mai un paquet de mesures». La clé réside dans une amélioration de la collaboration avec l'économie privée, selon le Bâlois.

Statut S à repenser

La question du statut de protection S, introduit en mars 2022 et orienté à l'origine pour soutenir un retour en Ukraine, occupe aussi les esprits. «Nous devons le repenser, c'est clair». Mais la Suisse, comme dans d'autres dossiers, doit se coordonner avec l'Union européenne.

«Si on levait le statut S du jour au lendemain, il est probable que la plupart de ces personnes déposeraient une demande d'asile en Suisse, ou se rendraient en Allemagne», ce qui n'est évidemment pas souhaitable.

Interrogé sur les violences survenues entre des membres de la communauté érythréenne ces derniers mois, le ministre a reconnu un «problème grave, que nous n'acceptons pas».

Et l'Erythrée ne coopère pas pour reprendre ses ressortissants déboutés de l'asile en Suisse. «Nous suivons le dossier», un accord serait idéal, mais pour l'instant il n'y a pas de solution toute faite.

La droite du Parlement tente de faire passer un projet qui prévoit d'envoyer les requérants érythréens déboutés dans un pays tiers. La Chambre des cantons y est favorable, le National a refusé une première fois de justesse et devra se prononcer à nouveau.