Christiane BrunnerUne initiative est «le seul moyen» d'obtenir l'égalité salariale
fasc, ats
10.6.2021 - 06:00
Christiane Brunner propose de lancer une initiative populaire pour obtenir enfin l'égalité salariale. Féministe, syndicaliste et politicienne socialiste, la Genevoise, une des instigatrices de la première grève des femmes en 1991, revient sur ce combat.
Keystone-SDA, fasc, ats
10.06.2021, 06:00
10.06.2021, 07:50
ATS
À cinq jours d'une nouvelle mobilisation féministe, le Conseil national a voté mercredi le relèvement à 65 ans de l'âge de la retraite des femmes. «C'est scandaleux. Nous n'avons pas vu de progrès en matière d'égalité et n'avons pas un réel programme pour l'obtenir. Pourquoi l'égalité se fait-elle au détriment des femmes? Je ne suis pas sûre que le peuple l'accepte», s'indigne cette pionnière de la lutte pour les droits des femmes.
Trente ans après la grève de 1991, des combats restent à mener. L'égalité salariale, exigée depuis quarante ans n'est toujours pas atteinte en 2021, souligne Mme Brunner: «Les femmes ont encore des raisons de faire grève. De nombreuses discriminations découlent de l'inégalité des salaires», reproche-t-elle.
Pour cette militante de toujours et ancienne syndicaliste, il n'y a plus qu'un seul moyen pour obtenir l'égalité des salaires: lancer une initiative populaire qui décrirait concrètement les obligations des entreprises et mettrait en place un moyen de contrôle. «Je me trompe peut-être, mais je crois que la population est mûre pour une telle initiative», soutient-elle.
«Convergence des luttes»
Retirée de la vie politique depuis quatorze ans, cette figure de proue du féminisme a observé la société évoluer. Et les dernières élections fédérales, avec son importante arrivée d'élues, a réjoui cette ex-parlementaire. «En tant que femmes, nous étions peu nombreuses et isolées au Parlement... Voir les résultats des dernières élections m’a fait un bien fou! C’était incroyable de voir toutes ces femmes être élues, et pas seulement à gauche», se réjouit la Genevoise.
Elle a aussi suivi, avec un brin de fierté, la grève féministe de 2019 et les actions en 2020. «C'est beau de voir ces mouvements qui durent. A mon avis, on pourrait utiliser cet instrument de manière plus ciblée, pour ne pas perdre en efficacité», estime-t-elle.
Elle voit dans «la convergence des luttes», le groupement de plusieurs causes comme l'écologie et le féminisme, une manière de renforcer les mouvements, au risque parfois de les éparpiller. Mais elle réserve ses conseils: «Ce n'est pas mon rôle, je ne suis plus sur le terrain. Mais je suis avec enthousiasme les mouvements jeunes qui se lancent».
Retour en 1991
Elle partage plus volontiers ses souvenirs. Le 14 juin 1991, une marée fuchsia envahit la Place fédérale à Berne. La première grève des femmes implique plus de 500'000 manifestantes à travers la Suisse. «Dix ans après l'inscription de l'égalité entre hommes et femmes dans la constitution, notre situation n'avait pas changé. Nous voulions du concret», rappelle l'organisatrice d'alors, Christiane Brunner.
La grève est lancée par l'Union syndicale suisse: «Obtenir le soutien du syndicat a été l'une de mes plus belles victoires», raconte Mme Brunner. Le matin du 14 juin 1991, elle n'était pas rassurée: «J'ignorais si la grève allait réellement prendre. J'ai été surprise par la mobilisation», se souvient-elle.
«Lutter à droite et à gauche»
Pourtant, elle a parcouru durant des mois la Suisse pour convaincre les assemblées féministes et les syndicats de se joindre à elle: «Faire grève n'allait pas de soi, pour certains, l'idée était simplement absurde. D'autres estimaient que l'on galvaudait le symbole. J'ai eu à lutter à ma gauche et à ma droite, mais pas avec les femmes!».
Durant sa carrière politique, Christiane Brunner a essuyé de violentes attaques sexistes, en particulier en 1993. Après avoir été députée au Grand Conseil genevois, puis conseillère nationale, elle est l'unique candidate du PS pour le Conseil fédéral. Mais l'Assemblée fédérale lui préfère un homme, Francis Matthey, puis Ruth Dreifuss. «Ces remarques étaient violentes. Il n’y avait pas de grand mouvement, comme #Metoo aujourd'hui. On agissait sans guère de soutien, à part l’appui des femmes».