Justice Contre un tirage au sort des juges fédéraux

ATS

20.8.2020 - 11:36

L'initiative n'apporte que des mauvaises réponses, a affirmé la ministre de la justice Karin Keller-Sutter.
L'initiative n'apporte que des mauvaises réponses, a affirmé la ministre de la justice Karin Keller-Sutter.
Source: KEYSTONE/ANTHONY ANEX

Le Parlement pourra s'exprimer sur l'élection des juges par tirage au sort. Le Conseil fédéral a adopté son message sur l'initiative sur la justice. Il rejette aussi bien le texte qu'un contre-projet.

Les juges du Tribunal fédéral, tout comme ceux du Tribunal pénal fédéral et du Tribunal administratif fédéral, sont pour l'instant élus par le Parlement. Le Conseil fédéral reconnaît que la procédure soulève des problèmes. Les juges doivent être affiliés à un parti pour être élu. Et les parlementaires peuvent exercer une certaine pression sur eux, en menaçant de ne pas les réélire.

«Il n'est toutefois jamais arrivé qu'un juge ne soit pas réélu, car un de ses jugements n'a pas plu», a souligné jeudi la ministre de la justice Karin Keller-Sutter lors d'une conférence de presse à Berne. L'indépendance des magistrats est garantie par la Constitution. Les partis ne leur donnent pas d'instructions. Seuls deux juges n'ont pas été réélus, et c'était uniquement à cause de leur âge.

Mauvaise méthode

Le Conseil fédéral prend au sérieux les inquiétudes des initiants. «Mais la désignation des juges par tirage au sort n'est pas la bonne méthode pour arriver à une plus grande indépendance des juges», a estimé Karin Keller-Sutter, rappelant que personne ne peut être totalement objectif. Environnements familial, social ou encore professionnel ont toujours une influence.

Pour la ministre, l'initiative «n'apporterait que des mauvaises réponses» et «créerait des problèmes inexistants aujourd'hui». Si les juges étaient tirés au sort, leur élection deviendrait purement aléatoire. Les vainqueurs ne seraient alors pas les meilleurs candidats en lice, mais les plus chanceux.

Le rôle du Parlement et des partis en serait affaibli. De même que la légitimité démocratique et l'acceptation par la population des jugements rendus, a-t-elle dénoncé.

Exception en Suisse

Une élection par tirage au sort est en outre étrangère à l'ordre juridique suisse. Les juges sont élus par le peuple ou par le parlement, que ce soit au niveau cantonal ou fédéral. Avec l'initiative, les juges du Tribunal fédéral seraient les seuls dans toute la Suisse à être élu par tirage au sort.

«Le système actuel fonctionne bien», a encore avancé la conseillère fédérale. Il garantit une élection démocratique et une composition du tribunal représentative de la société. Le Parlement tient compte de la langue, de la représentation régionale et des qualifications professionnelles des candidats, de même que de la force des grands partis.

Avec un tirage au sort, le risque est statistiquement plus élevé d'aboutir à une surreprésentation ou une sous-représentation d'une partie de la société, a étayé Susanne Kuster, directrice suppléante de l'Office fédéral de la justice.

Indépendance des juges

L'initiative populaire «Désignation des juges fédéraux par tirage au sort» a été déposée fin août avec plus de 130'000 signatures valables par Adrian Gasser. Avec son texte, l'entrepreneur vise l'indépendance des juges.

Les juristes doivent pouvoir accéder à ces hautes fonctions grâce à leurs seules qualifications, même s'ils n'ont pas de réseau politique, exige l'initiative. Le tirage au sort serait organisé de façon à ce que les langues officielles soient au final équitablement représentées.

Une commission d'experts évaluerait les candidats sur leurs seules qualifications personnelles et professionnelles avant de les admettre au tirage au sort. Elle procéderait ensuite au tirage en public. Les juges, dont la durée de fonction prendrait fin cinq ans après qu’ils auraient atteint l’âge ordinaire de la retraite, ne pourraient être destitués qu’à l’issue d’une procédure de révocation.

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