«À bout de souffle»Crèches en Ville de Genève: il manque au moins 1100 places
nt, ats
3.3.2022 - 15:06
La Cour des comptes a réalisé un audit de performance du dispositif de la petite enfance en Ville de Genève. «À bout de souffle», le système actuel ne permet pas de répondre à la demande des parents, avec au moins 1100 places manquantes. La gestion par des bénévoles n'est plus adaptée. Le Service de la petite enfance (SDPE) doit être réorganisé.
03.03.2022, 15:06
ATS
La Cour a réalisé cet audit à la demande de Christina Kitsos, conseillère administrative chargée du département de la cohésion sociale et de la solidarité (DCSS). La Ville de Genève a en effet récemment décidé de municipaliser progressivement ses structures d'accueil de la petite enfance, a rappelé François Paychère, magistrat en charge de l'audit, jeudi devant la presse.
«Nous nous sommes intéressés aux parents. Nous ne prenons pas position sur ce choix qui a fait débat», a-t-il précisé.
Hausse de la demande
Premier constat, la demande en place de crèches n'est pas couverte par l'offre. Le taux de couverture moyen est de 78% dans les structures à prestations élargies (à savoir les crèches proposant repas et 45 heures d'ouverture hebdomadaire pendant 45 semaines). Mais d'un quartier à l'autre, il peut varier de 52% à plus de 100%, a noté le magistrat.
Relevant d'un mode de gouvernance dépassé, «le système actuel est à bout de souffle», a-t-il expliqué. Depuis 25 ans, la demande a constamment augmenté en raison de l’évolution démographique. Le nombre d’enfants accueillis dans les structures subventionnées a passé de 4028 en 1995 à 6702 en 2019. Les subventions ont, elles, augmenté de 270% en 20 ans, a-t-il signalé.
Evaluation optimiste
«Selon nos calculs, il faudrait au moins 1100 places dans les structures à prestations élargies. Et il s'agit d'une évaluation optimiste, a précisé le magistrat.
Et de relever que cette politique publique a un coût important. En 2019, les dépenses se sont montées à 177 millions de francs, dont 40 millions versés par les parents et 119 millions par la Ville. Le coût d'une place varie de 34'000 à 52'000 francs, selon les types de crèche (collective, familiale subventionnée) ou un jardin d'enfants. Cela s'explique par une structure du personnel et des prestations différentes, a relativisé M. Paychère.
Mamans de jour
S’agissant des jardins d’enfants et des haltes-garderies (structures à prestations réduites), la Cour ne relève pas de déficit. Les jardins d’enfants sont souvent un complément à un autre mode de garde.
L’accueil familial de jour par des personnes indépendantes constitue à ce jour une offre modeste, qui porte sur moins de 150 enfants. Selon la Cour, ce mode de garde, de même que les services des mamans de jour, recueille des taux de satisfaction très élevés, de l’ordre de 85%. L'institution estime qu'il s'agit d'un potentiel à développer.
Gouvernance archaïque
Au niveau des recommandations, la Cour des comptes préconise de revoir un modèle de gouvernance datant du siècle dernier. Basé sur des comités associatifs composés de bénévoles souvent extérieurs au domaine de la petite enfance, sans compétence dans le métier et sans expérience managériale, il n'est plus adapté à une gestion efficace et efficiente de la prise en charge préscolaire.
Le SDPE n'est pas en mesure de piloter ces institutions, faute de ressources humaines et informatiques suffisantes. L'audit recommande en premier lieu de restructurer ce service afin d’assurer la réforme du dispositif, l'amélioration des outils informatiques et la définition d'objectifs, d'indicateurs et de valeurs cibles.
Il conviendra également de revoir la politique d’abonnements pour augmenter l’offre de places. Enfin, la Cour maintient sa recommandation visant à revaloriser les prestations des assistantes familiales, la seule à avoir été refusée par la Ville.
Réforme pas encore chiffrée
La priorité est d'ouvrir des places de crèche. Compte tenu de la création de 700 places à l'horizon 2027, le DCSS ne dispose pas des moyens suffisants pour entrer en matière sur ce point, a déclaré la conseillère municipale Christina Kitsos. Elle s'est dite en ligne avec la Cour sur toutes les autres recommandations.
Si trois millions ont déjà été alloués pour entreprendre cette municipalisation par étapes, le Département n'a pas encore pu chiffrer précisément les coûts de cette réforme. Ce sera un combat politique de continuer à lui allouer des ressources, a-t-elle indiqué. «Mais on peut réaliser de petits miracles en investissant dans cette classe d'âge», a-t-elle plaidé.