Attentats en Suisse Des lacunes constatées dans la lutte contre le terrorisme

sj, ats

7.3.2023 - 14:02

La collaboration entre la Confédération et les cantons n'a pas fonctionné de manière optimale avant et après les attentats au couteau de Morges (VD) et de Lugano (TI) en 2020. C'est ce qui ressort d'un rapport de l'Autorité de surveillance du Parquet fédéral.

La collaboration entre les Ministères publics de la Confédération (photo) et des cantons en matière de lutte contre le terrorisme doit être améliorée, selon un rapport (archives).
La collaboration entre les Ministères publics de la Confédération (photo) et des cantons en matière de lutte contre le terrorisme doit être améliorée, selon un rapport (archives).
ATS

sj, ats

L'Autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération (AS-MPC) a centré ses investigations sur ces deux attentats, qui avaient coûté la vie à un homme à Morges en septembre 2020 et grièvement blessé une femme à Lugano en novembre 2020. Elles se basaient sur des indications du gouvernement vaudois concernant «des lacunes systémiques au sein du domaine d’infractions de terrorisme» du MPC ainsi qu'aux questions des commissions de gestion des Chambres fédérales.

L'AS-MPC a constaté plusieurs lacunes dans ces deux attaques, épinglant au passage le MPC. Dans son rapport d'inspection publié mardi, elle formule des recommandations pour améliorer la collaboration entre les MPC et les ministères publics cantonaux dans leur lutte contre le terrorisme.

Mieux évaluer la dangerosité

Dans le cas de Morges, le MPC aurait dû mieux évaluer la dangerosité du djihadiste durant la période précédant son attaque meurtrière en septembre 2020, ayant coûté la vie à un jeune Portugais. Ce double national turco-suisse, condamné à 20 ans de réclusion, avait été libéré deux mois avant le meurtre après avoir passé plus d'une année en détention préventive à la suite d'une tentative d'incendie et d'explosion d'une station-service à Prilly (VD) en avril 2019.

L'AS-MPC arrive à la conclusion que «la libération du prévenu, assortie de nombreuses mesures de substitution, était soutenable». Elle «déplore, en revanche, l'absence de réaction du MPC après que les autorités vaudoises ont signalé diverses violations des mesures de substitution imposées».

Elle estime «qu'il aurait fallu procéder à une évaluation plus approfondie de la dangerosité du prévenu en tenant compte des points de vue de l'ensemble des autorités impliquées». L'AS-MPC recommande dès lors la mise en place d'un organe de coordination incluant toutes les autorités concernées, à savoir les ministères publics cantonaux, fedpol, la police cantonale et les autorités cantonales d'exécution des peines.

Notions de psychiatrie légale

Dans l'attaque au couteau de Lugano, le MPC avait rendu une ordonnance de non-entrée en matière dans le cadre d'une procédure pénale antérieure à l'encontre de la prévenue. «Après avoir examiné l'ordonnance sur le fond et la forme, l'AS-MPC a estimé qu'elle n'était pas d'emblée justifiable». Il aurait fallu clarifier les faits et procéder à une qualification juridique approfondie, écrit-elle.

A l'avenir, les décisions de non-entrée en matière dans le domaine d’infractions de terrorisme ne devraient plus être prises sans mention de la notification, de la motivation ou de l'indication des voies de recours, recommande l'Autorité de surveillance.

Pour améliorer l'évaluation de la dangerosité des prévenus, elle recommande aussi que les procureurs fédéraux appelés à intervenir dans le domaine d'infractions de terrorisme acquièrent des notions élémentaires en psychiatrie légale. En cas de doute quant à la nécessité de demander une détention provisoire et en l'absence d'expertise psychiatrique, l'AS-MPC suggère de faire appel à un psychiatre forensique en vue d'évaluer la dangerosité.

Améliorer la communication

Les cas de Morges et Lugano ont aussi révélé des lacunes dans la définition et le respect des procédures de collaboration, de coordination et de communication dans la direction des affaires de terrorisme djihadiste, note encore le rapport.

Dans celui de Morges, les autorités vaudoises «n'ont pas été suffisamment impliquées dans la communication» et le MPC a délégué cette dernière à fedpol. Dans celui de Lugano, l'information des médias et du public n'a pas non plus été assurée par le MPC, mais par les autorités tessinoises et fedpol, observe l'AS-MPC.

Interrogés, les ministères publics cantonaux estiment que la collaboration avec le MPC est «en principe positive» dans les affaires d'actes terroristes. De son côté, le MPC salue les recommandations de l'Autorité de surveillance et affirme que leur mise en oeuvre sont en cours.