Initiatives phytosL'agriculture en ébullition et en ordre de bataille
vf, ats
11.5.2021 - 10:22
vf, ats
11.05.2021, 10:22
11.05.2021, 15:10
ATS
Les initiatives phytos mettent le monde agricole sous pression. Le Conseil fédéral vient d'annoncer des mesures pour réduire les risques liés aux pesticides. Reste à voir si cela suffira le 13 juin à convaincre les Suisses soucieux de leur santé et de la cause environnementale.
Les deux initiatives réclament des mesures drastiques pour réduire les pesticides dans l'environnement. Selon les initiants, la politique a traîné les pieds. Aujourd'hui, les dangers pour la nature et la santé sont reconnus et documentés. Deux solutions sont sur la table.
L'une demande d'interdire purement et simplement les pesticides de synthèse. L'initiative «Pour une Suisse sans pesticides de synthèse» s’appliquerait à tout le monde: l'agriculture, la transformation de denrées alimentaires, l'entretien des parcs publics ou d'infrastructures comme les voies de chemin de fer. L'importation de denrées alimentaires est aussi concernée.
L'initiative «Pour une eau potable propre et une alimentation saine» mise elle sur l'incitation: les paysans, producteurs de fruits et légumes et éleveurs qui choisissent de se passer de pesticides, renoncent à l'utilisation préventive ou régulière d'antibiotiques et sont en mesure de nourrir leurs animaux avec le fourrage qu'ils produisent auraient droit aux paiements directs.
La santé altérée
Les deux comités d'initiative soulignent la nocivité des pesticides de synthèse pour la santé et la biodiversité. Des perturbateurs endocriniens susceptibles de dérégler le système hormonal sont présents dans la moitié d'entre eux. Aujourd'hui, près de la moitié des agriculteurs n'en utilisent pas (Bio) ou presque pas (IP-Suisse). S'en affranchir est donc possible.
Le Parlement et le Conseil fédéral recommandent le rejet des deux textes. Privée de protection, la production de denrées alimentaires chuterait et il faudrait accroître les importations. Mais comme celles-ci sont aussi visées, la sécurité d’approvisionnement serait menacée et les prix devraient augmenter.
Les principaux concernés sont divisés sur la question. De manière générale, les agriculteurs estiment que le texte sur l'eau potable stigmatise trop l'agriculture contrairement à celui prônant l'interdiction des pesticides.
L'Union suisse des paysans, la principale faîtière agricole, prône ainsi le double non. Ces textes rendraient la vie impossible aux exploitations de volailles et de porcs qui sont souvent dans l'incapacité de disposer de leur propre fourrage.
Ils poseraient aussi de gros problèmes aux producteurs de fruits, de légumes, de pommes de terre, de colza ou de betteraves sucrières, des cultures exigeantes en termes de protection. Beaucoup craignent pour leur survie.
Mais l'Association des petits paysans et les biodynamiques autour de la fédération Demeter sont pour l'initiative visant à interdire les pesticides et laissent la liberté de vote pour celle sur l'eau potable. Bio Suisse dit oui à la première mais non à la seconde. Uniterre laisse elle la liberté de vote sur la première et recommande le non à la deuxième.
Les partis se répartissent selon la traditionnelle fracture gauche-droite, pour et contre. Les Vert'libéraux plébiscitent eux l'initiative pour une eau potable propre et laissent la liberté de vote sur la deuxième.
Dans les premiers sondages, les deux textes récoltent une petite majorité de oui. Mais ils auront besoin des cantons, une double majorité qui a fait trébucher plus d'une initiative.
Proposition de dernière minute
Le Conseil fédéral, conscient de la nécessité d'agir, a mis en consultation un premier paquet d'ordonnances pour protéger les eaux à sept semaines de la votation. Ce train de mesures est la mise en œuvre d'une initiative parlementaire acceptée en mars par le Parlement.
Les risques liés aux produits phytosanitaires, biocides et excédents de fertilisants doivent être réduits de 50% d'ici à 2027 par rapport à la moyenne des années 2012 à 2015. Le risque environnemental est défini selon trois critères: la quantité de produit utilisée, sa toxicité et l'exposition des terres traitées.
Pour toucher des paiements directs, les exploitants ne pourront plus utiliser certaines substances dangereuses. Ces dispositions, tirées du projet de Politique agricole PA22+, rejeté récemment par le Parlement, et du Plan d’action lancé en 2017, proposent des réponses concrètes aux initiatives populaires, selon Guy Parmelin, chef du Département fédéral de l’économie. La loi devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2023.