Plusieurs Suisses se trouvent parmi les djihadistes de l'Etat islamique (EI) arrêtés par les Forces démocratiques syriennes (FDS). L'autorité kurde en Syrie veut les juger elle-même mais appelle depuis Genève la Suisse et la communauté internationale à l'aider.
«Nous avons le droit, en priorité, de juger» les quelque 7000 terroristes présumés détenus actuellement dans le nord-est, dit dans un entretien à Keystone-ATS son représentant, Khaled Issa. Environ 2000 djihadistes ou leurs proches sont étrangers. Parmi eux, plusieurs sont suisses, selon les FDS. Ils seraient moins d'une vingtaine.
La semaine dernière, face à l'incertitude juridique de ses personnes, M. Issa a participé à une réunion à Genève pour aborder trois scénarios avec une dizaine d'Etats, des ONG et des organisations internationales. «Une justice équitable est garante d'une plus grande stabilité» pour l'avenir, explique le codirecteur de la nouvelle ONG genevoise «Combattre pour l'humanité», Mehmet Balci.
De son côté, M. Issa ne se dit pas opposé à un tribunal mixte, dans lequel autorités judiciaires locales et experts étrangers seraient associés. En revanche, une juridiction internationale spéciale, qui serait abritée dans un autre pays, ne lui plaît guère même s'il considère qu'elle serait autorisée par la résolution 2170 du Conseil de sécurité de l'ONU.
Les membres de l'EI «ont été arrêtés sur notre territoire. Ils ont perpétré leurs actes sur notre territoire», dit-il. «Les victimes sont nos familles et nos infrastructures».
Démenti sur l'ONU
Le représentant kurde a aussi pu mesurer à Genève la réticence des Etats sur le rapatriement de leurs propres ressortissants. Il leur demande alors d'aider financièrement son autorité à renforcer la sécurité mais aussi à améliorer les conditions de détention de ces personnes. Et de leur apporter une assistance matérielle et leur expertise. Un appel lancé notamment à la Suisse en raison «de sa neutralité et de son expérience».
La semaine dernière, le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme s'était dit inquiet par des indications de détention au secret de tous les enfants de djihadistes de 12 à 18 ans, séparés de leur mère. M. Issa dément fermement. Seuls 90 enfants orphelins se trouvent dans des «centres de réhabilitation».
De même, il garantit qu'aucune personne arrêtée n'a été victime de mauvais abus. De nombreux acteurs avaient dénoncé ces derniers mois les décès de plusieurs enfants et les conditions difficiles pour ceux qui avaient fui le dernier bastion de l'EI.
Sur le terrain politique aussi, les Kurdes attendent beaucoup de la communauté internationale. A défaut d'un Etat fédéral, terme tabou qui avait été écarté par l'ancien émissaire de l'ONU sur la Syrie Staffan de Mistura, M. Issa parle de «décentralisation démocratique».
Appel à Pedersen
Il souhaite que le nouveau responsable onusien Geir Pedersen prenne en compte ce scénario et fasse pression sur la Turquie pour que les Kurdes soient associés au processus politique. Outre la reconnaissance de leur autorité, ceux-ci veulent que leurs forces armées soient légitimées et qu'ils fassent partie du futur gouvernement central syrien.
Malgré les tentatives russes, le président Bachar al-Assad n'a pas souhaité les rencontrer. «Sans la reconnaissance d'une autorité qui administre 30% du territoire, il n'a aura ni solution équitable, ni stabilité» durable, affirme également le représentant kurde.
La réunion de jeudi dernier a formalisé le lancement de «Combattre pour l'humanité» qui l'a organisée avec l'Académie de droit international humanitaire et de droits humains. Constituée surtout d'anciens collaborateurs de l'Appel de Genève, institution qui cherche à obtenir des engagements humanitaires des groupes armés non étatiques, cette ONG souhaite atteindre des avancées sur les droits de l'homme auprès de ces acteurs.
Mais aussi auprès de groupes étatiques, selon M. Balci. Il est actuellement avec l'un de ses collaborateurs à la frontière entre la Colombie et le Venezuela pour une mission d'évaluation de possibles activités.
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