BurqaUne «énième vexation» pour les musulmans, dit la presse
dv, ats
8.3.2021 - 07:55
Plusieurs journaux avancent que l'interdiction du voile intégral acceptée dimanche par le peuple constitue une «énième vexation» pour les musulmans de Suisse. Si elle s'est avérée payante, la stratégie populiste de l'UDC est aussi pointée du doigt par des éditorialistes.
Keystone-SDA, dv, ats
08.03.2021, 07:55
09.03.2021, 17:07
ATS
«La Suisse se veut libérale, ouverte et tolérante. Mais grâce à une alliance contre nature entre des xénophobes ne supportant pas le multiculturalisme et certaines féministes réagissant au quart de tour à des signes extérieurs d’oppression, elle adopte un message stigmatisant pour la communauté musulmane», écrivent La Liberté et le Nouvelliste.
Arcinfo souligne également que, si le texte adopté hier ne changera pas grand-chose au quotidien de la plupart des habitants, «la campagne restera dans les mémoires comme une énième vexation» pour les musulmans de Suisse. Sans tomber dans l'angélisme, le journal appelle à «rendre notre société plus inclusive, en cessant de réduire l'islam à des clichés».
Le Courrier note que, si la gauche était divisée sur le sujet, la droite a «tout autant mal à ses fondamentaux» car le démocratie libérale est aussi fondée sur la liberté de croyance et le libre-arbitre.
Pour La Liberté et le Nouvelliste, la seule chose qui est libérée avec ces interdictions,» ce sont les fantasmes de contrôle de certains hommes qui, encore et toujours, s'en prennent aux corps féminins».
«La Suisse a dit non à l'islamisme»
Le Quotidien jurassien relève pour sa part le paradoxe, illustré par le vote du canton, selon lequel c'est en campagne, où personne n'a jamais vu déambuler ni burqa ni niqab que l'initiative a été le plus massivement acceptée.
Il note que les arguments des partisans ont davantage parlé à la population que ceux des opposants, qui dénonçaient des visées antiféministes et racistes. Et de conclure que «le petit oui final d'hier indique, au-delà du malaise que suscite l'islam en Suisse, que la burqa asservit la femme».
Le Journal du Jura estime pour sa part que «la Suisse a dit non à l'islamisme». Le journal souligne que, si chacun est libre de porter des signes religieux, le voile intégral, qui n'a aucun fondement théologique, se situe dans une autre catégorie car il est «l'expression de l'islamisme radical qui est totalement incompatible avec la conception d'une société ouverte et démocratique comme la nôtre».
Et de considérer le discours de certaines féministes, qui s'étaient engagées contre le texte au nom de liberté des femmes à porter les vêtements de leur choix, comme «consternant», le voile intégral étant «un symbole d'asservissement et de négation de liberté des femmes».
Populisme dénoncé
Le Quotidien jurassien et 24 heures rappellent que, cachée derrière le comité d'Egerkingen, c'est l'UDC qui a gagné en divisant les partis, les musulmans et les féministes.
Le Courrier souligne que sous couvert de défendre les droits des femmes, le but était bien de faire régner une nouvelle fois «un discret fumet islamophobe». Le journal reconnaît que «la stratégie populiste s'est révélée payante».
Pour ArcInfo, s'il est normal de s’inquiéter des liens entre le port de la burqa et une possible poussée d’un islam politique, l’instrumentalisation de cette question à des fins manifestement électoralistes laisse un goût amer.
Le Temps souligne quant à lui que si la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, qui a longtemps cru un succès impossible, s'était engagée plus rapidement, elle aurait pu faire tourner la roue.
24 heures invite désormais le plus grand parti de Suisse à mener la danse sur des sujets «qui concernent la majorité des habitants», tels que la fiscalité, la crise sanitaire et la relance économique.
Nouveau débat sur l'islam
Outre-Sarine, le Blick note que l'interdiction du voile intégral n'est qu'un acte symbolique qui n'aura pas d'impact dans la vie quotidienne. Et de noter l'ironie du fait que le peuple accepte ce texte au moment où «nous nous promenons tous masqués».
Le Tages-Anzeiger relève que l'initiative contre le voile intégral masquait des questions importantes dans le traitement des musulmans de Suisse et qu'il est désormais temps d'ouvrir un nouveau débat sur l'islam. Pour le journal, il faut par exemple réfléchir à «comment nous voulons travailler avec les quelque 200 communautés islamiques de Suisse et s'assurer qu'elles reposent sur les fondements de notre constitution et peuvent se défendre contre les influences radicales». Il convient aussi de se pencher sur la question des prédicateurs.
La NZZ souligne le taux d'approbation élevé en Suisse romande alors que par le passé les initiatives bourgeoises peinaient à y récolter du soutien. «Il s'agissait d'envoyer un signal contre l'islam radical», estime le quotidien. Ce dernier ne croit en outre pas que la violence anti-musulman augmentera suite à cette votation comme le craint le porte-parole de la Fédération des organisations islamiques de Suisse.