«Peut mieux faire»L'urgence sanitaire internationale a trop tardé
sn, ats
12.5.2021 - 12:01
Il a fallu trop de temps pour déclarer le coronavirus en urgence sanitaire internationale, selon les enquêteurs internationaux. Ils égratignent l'OMS dont ils veulent voir le pouvoir d'investigation étendu. Et estiment que le monde n'est pas prêt pour la prochaine pandémie.
Keystone-SDA, sn, ats
12.05.2021, 12:01
12.05.2021, 12:12
ATS
La Chine, visée plus tard par de nombreux Etats pour un manque de collaboration, avait relayé en décembre 2019 les premières indications de cas de pneumonie d'origine inconnue. Mais l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui s'appuie sur son comité d'urgence indépendant, avait attendu fin janvier pour déclarer une urgence internationale.
«Trop long», estime dans son rapport final, publié mercredi à Genève, le panel de 13 membres. Il affirme que cette étape aurait pu être recommandée huit jours plus tôt par le comité d'urgence.
Système d'alerte «pas assez rapide»
Le panel avait été mandaté en mai 2020 par l'Assemblée mondiale de la santé, notamment après les critiques américaines contre l'organisation et son directeur général Tedros Adhanom Ghebreyesus, accusés d'être trop proches de Pékin. Le système d'alerte «n'est pas assez rapide», a dit à la presse la coprésidente de cette investigation, l'ancienne cheffe d'Etat du Liberia et Prix Nobel de la paix Ellen Johson Sirleaf.
«L'OMS a été entravée et pas aidée par le Réglement sanitaire international», en vigueur depuis 2007, renchérit l'autre coprésidente, l'ex-Première ministre néo-zélandaise Helen Clark, qui déplore aussi des «retards» de Pékin.
Mais l'organisation aurait dû dire aux Etats rapidement qu'une propagation humaine était non seulement possible, mais qu'elle avait lieu. De même, Mme Clark estime que des restrictions aux voyages, que l'OMS n'avait pas recommandées, auraient pu diminuer la progression de l'épidémie.
Appel à un fonds de dizaines de milliards
De leur côté, les gouvernements sont également visés. En février 2020, bien davantage parmi eux auraient pu prendre des dispositifs pour mieux empêcher la propagation du virus. Le Conseil de sécurité de l'ONU a aussi été incapable d'oeuvrer, selon le panel. La semaine dernière, deux autres évaluations indépendantes avaient déjà ciblé des «lacunes» de l'OMS et des Etats.
Sans action immédiate pour changer le système, celui-ci «ne nous protégera pas de la prochaine pandémie», insiste Mme Johnson Sirleaf. «La situation dans laquelle nous sommes aurait pu être évitée», dit-elle, déplorant des avertissements ignorés, des «échecs» et «des retards».
Face à ces observations, le panel recommande le lancement d'un Conseil mondial des menaces sanitaires, qui réunirait les chefs d'Etat et de gouvernement. Comme au Conseil des droits de l'homme, les Etats seraient examinés par leurs pairs sur leur préparation.
Une Convention-cadre contre les pandémies devrait aussi être adoptée dans les six prochains mois. Et le Conseil serait chargé d'attribuer un fonds doté de 5 à 10 milliards de dollars par an, alimentés pendant 10 à 15 ans, pour les besoins en cas de pandémie.
Demande aux pays riches pour des doses
Un nouveau système mondial de surveillance devrait aussi être établi. L'OMS pourrait alors relayer des indications sur des épidémies avec potentiel pandémique, sans attendre l'approbation d'un Etat, et déployer des investigateurs rapidement. Les Etats doivent aussi mieux doter l'organisation financièrement et tout directeur général ne devrait pas dépasser un seul mandat de sept ans, selon le panel.
L'accélérateur pour un accès équitable aux vaccins et autres technologies contre le coronavirus doit devenir une plateforme mondiale et le G7 doit alimenter immédiatement 60% des plus de 16 milliards de francs requis, insistent les enquêteurs. Ils demandent aux pays riches de partager un milliard de doses excédentaires avec le dispositif Covax d'ici septembre, deux milliards d'ici la moitié de l'année prochaine.
Si aucun mécanisme de licences volontaires n'est établi dans les trois prochains mois, une suspension de la propriété intellectuelle devra être décidée à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), selon le panel. La Suisse est opposée à ces exceptions.