Chute des écologistes «Excès de confiance», «crise», «claque» - Les échos de la presse 

Keystone -ATS/ Réd

22.10.2023

Les médias réagissent aux résultats de cette journée d'élections fédérales en Suisse. Et tentent d'expliquer ce qui a fait chuter les écologistes au profit de l'UDC, grande gagnante du jour.

Ravie de voir son parti sortir vainqueur, Céline Amaudruz, candidate UDC à l'élection au Conseil aux Etats et au Conseil National, répond aux médias a Uni Mail à Genève.
Ravie de voir son parti sortir vainqueur, Céline Amaudruz, candidate UDC à l'élection au Conseil aux Etats et au Conseil National, répond aux médias a Uni Mail à Genève.
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Keystone -ATS/ Réd

Comment expliquer la chute des Verts? se demande la Tribune de Genève. En insistant sur le climat mondial, sur les thèmes de société comme la race, le genre ou la consommation de viande, en faisant la morale à tout le monde, les Verts se sont égarés, selon le journal.

Dans un contexte de hausse des prix, dans une atmosphère mondiale presque irrespirable, les partis parlant des fins de mois difficiles, de l’immigration ou des primes d’assurance l'emportent. Inquiets pour leur situation économique et leur sécurité, les électeurs ont préféré la droite dure ou les socialistes, résume la Tribune de Genève.

Les Verts ont des idées sur le climat, les transports, les inégalités. Ils n’arrivent plus à les rendre audibles. Une profonde introspection s’impose, un changement de style aussi.

«Excès de confiance» dû à la vague verte

«L'année 2023 n'était pas un moment écologiste, les années qui ont précédé non plus», écrit dimanche 24 Heures. Loin des manifs pour le climat de 2019, l’actualité a été marquée par les crises: pandémie, guerre en Ukraine, inflation, conflit israélo-palestinien, attentats.

«Or, on le sait, en période d’instabilité, la population se tourne vers les partis traditionnels. Et compte tenu des thématiques, l’UDC en profite le plus. À tort ou à raison, son profil sécuritaire et sa façon d’incarner une Suisse immuable et qui protège ses habitants de l’extérieur rassurent», constate le journal vaudois.

Mais ce contexte difficile n’est pas la seule clé pour comprendre cette déconfiture. Le parti paie aussi l’excès de confiance que lui a conféré la vague verte.

L’échec des Verts est celui d’un parti qui n’a pas encore fait le choix entre militantisme et pragmatisme. Un handicap pour le Conseil fédéral, que les écologistes rêvent un jour d’intégrer, selon 24 Heures.

Une «claque» qui ne doit pas faire oublier le climat

La question que se pose le Nouvelliste: Comment expliquer ce raté? La faute aux colleurs de mains et autres perturbateurs du trafic automobile? Aux taxes antisociales? Au «wokisme» attribué à certains militants? Aux discours de décroissance? Ou simplement aux autres préoccupations du moment, pouvoir d’achat et migration en tête?

Quelle qu’en soit la raison, ce recul doit profondément remettre en cause la stratégie des écologistes s’ils espèrent convaincre plus largement à l’avenir. Oser un discours de l’espoir, plutôt que celui des interdits et de la culpabilisation.

Cette gifle électorale ne doit toutefois pas servir d’excuse aux autres partis pour abandonner tout effort en faveur d’une politique climatique ambitieuse, écrit encore le journal valaisan. Les conséquences du dérèglement climatique seront durables et nous concerneront toutes et tous, pour des générations.

Basculement d'époque

Pour la Liberté, le fait que les écologistes et les Vert’libéraux boivent la tasse «et perdent une bonne part des positions acquises dans l’euphorie environnementale d’il y a quatre ans» n’est pas une surprise, car la dernière législature a été le théâtre d’un basculement d’époque.

Comme en 2019, la Suisse est submergée par un raz-de-marée vert. Mais il s’agit cette fois d’une autre couleur, celle de l’UDC, qui convainc pratiquement trois électeurs sur dix, poursuit la Liberté.

Certes, le réchauffement climatique reste une préoccupation des citoyens helvétiques. Mais il n’est plus au premier plan.

Les Verts paient aussi au prix fort un éparpillement de leurs priorités. Plutôt que de se concentrer sur la lutte contre le réchauffement climatique, ils se sont égarés dans des thèmes sociétaux comme l’écriture inclusive, rendant leur message peu audible et brusquant une part de leur électorat.

«Camarilla néo-libérale, climato-sceptique, covido-négationniste»

Les glaciers, les femmes et les migrants et migrantes ont du souci à se faire, écrit le Courrier à l'issue des élections fédérales dimanche. Sans oublier que le bloc populiste taille des croupières au centre droit, le PLR reculant au profit de l'UDC.

Le recul des Vert-e-s interroge alors que la crise climatique vient au second rang des préoccupations des Suissesses et des Suisses. Mais cela ne se traduit pas dans les urnes. Le discours des écologistes a peut-être manqué de réponses concrètes. Voire a pu braquer une partie d’un électorat flottant, notamment sur les questions d’égalité hommes-femmes, avance le Courrier dans son édito.

L’UDC a canonné un soi-disant «wokisme», en pointant tel ou tel excès de langage. Cela permet de manière commode d’éviter les questions des oppressions; et cela porte.

Cette remontée de l’extrême droite s’inscrit dans une tendance lourde que l’on observe ailleurs en Europe. Pour le Courrier, il est inquiétant de voir cette camarilla néo-libérale, climato-sceptique, covido-négationniste et qui ne recule pas devant un discours raciste et stigmatisant les immigrés et les immigrées triompher et prendre le dessus sur la droite traditionnelle. Et le Courrier conclut en résumant le résultat de dimanche par «moins de social, moins d’Etat et liberté pour le renard dans le poulailler».

Discours décroissant aussi à l'UDC

Si l’UDC, grande gagnante des élections fédérales de ce dimanche, se situe à l’opposé des Verts sur les sujets de société notamment, elle partage avec eux une idéologie décroissante peu favorable à la prospérité, écrit l'Agefi dimanche à l'issue des élections fédérales.

Le repli conservateur que ce retour de balancier semble exprimer dans un contexte de crises en tous genres acte dans le même temps un certain statu quo: la présence au Parlement fédéral de forces politiques au discours décroissant.

Il ne faut en effet pas oublier que l’initiative populaire lancée durant la campagne par l'UDC propose de limiter la population de la Suisse à moins de 10 millions d’habitants. Selon l'Agefi, le parti agrarien s'inscrit ainsi dans la mouvance malthusienne qui portait déjà l’initiative Ecopop, en liant protection de l'environnement et limitation de l’immigration.

La démarche confirme que la posture anti-progrès du premier parti du pays – certes plus libéral en économie que d’autres formations européennes situées à la droite conservatrice – s'applique aussi à l’économie, poursuit le journal.Répondre par des discours rassurants, mais simplistes, aux préoccupations de la population face à de vrais problèmes – comme ceux engendrés l’immigration – peut certes aider à être élu, remarque l'Agefi. Avant d'ajouter que le travail d’un parlementaire consiste ensuite à répondre aux défis auxquels la Suisse est confrontée.

«Pétard mouillé» ?

L'UDC pourrait bientôt constater que son «triomphe» ne la rend par heureuse, estime le portail d'information en ligne Watson.ch.

«C'était déjà le cas il y a huit ans. La poussée de la droite d'alors s'est rapidement transformée en pétard mouillé au Parlement. A la fin de la législature, il ne restait plus que la désillusion. (...) Attiser les peurs (des étrangers) et gérer les problèmes ont toujours été les compétences-clé de l'UDC. Cela s'est également révélé être le cas durant cette campagne. Mais les problèmes ne disparaissent pas lorsqu'on les dénonce. C'est notamment le cas du manque de personnel, qui se fait sentir dans un nombre croissant de branches et de domaines en Suisse. Dès qu'on lui demande des recettes concrètes, l'UDC se réfugie dans les formules toutes faites», indique le site.

Les Verts punis par les activistes du climat

Les Vert-e-s n'ont pas réussi à faire comprendre l'urgence de leur préoccupation principale, estime le journal zurichois Tages-Anzeiger.

En temps de guerre et de crise économique, les gens ont certes tendance à voter pour les partis bourgeois. Il n'en reste pas moins que les records de température de ces derniers mois auraient dû aider les Vert-e-s à faire comprendre l'urgence de leur préoccupation principale qu'est la lutte contre le réchauffement climatique.

Le journal estime que l'«échec retentissant» des écologistes ce dimanche illustre un problème fondamental du mouvement climatique: il s'est en grande partie coupé du discours de la société majoritaire. Les activistes climatiques qui se collent les mains sur la route effraient par leur «tapage» une grande partie des personnes dont le soutien leur serait pourtant indispensable, juge le Tages-Anzeiger.

Cela ne pouvait que nuire aux Vert-e-s, d'autant que le parti n'a jamais trouvé de position cohérente face aux radicaux. Les conséquences de cet échec pour la politique climatique suisse restent incertaines. Ce qui semble cependant sûr, c'est que le rêve d'un siège vert au Conseil fédéral s'est envolé pour longtemps, conclut le journal.

Même analyse du côté de la Basler Zeitung. Mais parallèlement, l'UDC a retrouvé sa boussole politique d'antan en ciblant les étrangers et les migrants, marquant des points auprès d'un électorat déstabilisé et en colère.Tant que l'ensemble des politiciens de gauche continueront à nier et enjoliver de la sorte le problème des étrangers et des migrants, le sentiment de colère continuera à profiter à l'UDC, sermonne le quotidien bâlois.

Le virage à droite va certainement changer le climat politique, peut-on lire sur le site de SRF. Mais l'UDC, même avec le PLR, n'a pas la majorité. Les conséquences de ces élections seront toutefois dures en matière de politique d'immigration et d'asile», selon Thomas Aeschi, chef du groupe parlementaire UDC.