JusticeMentalement instable, a-t-elle le droit de rester en Suisse?
de Jennifer Furer
8.9.2020
Arrivée il y a vingt ans, une femme originaire du Brésil est censée quitter la Suisse. Bien que le jugement soit déjà exécutoire, il doit être réexaminé. La raison: la femme en question souffre d’un trouble mental.
Cette Brésilienne de 57 ans vit en Suisse depuis 20 ans. Elle est désormais tenue de quitter le pays suite à une infraction définie par la loi et à l’absence de cas de rigueur. L’Office des migrations lui a fait remarquer à plusieurs reprises qu’elle séjournait en Suisse illégalement et qu’elle devait quitter le pays, selon un récent jugement écrit de la Cour suprême du canton de Zurich que «Bluewin» s’est procuré.
La femme n’ayant pas obtempéré, le parquet de Zurich-Sihl l’a déclarée coupable de séjour illégal par ordonnance pénale et l’a condamnée à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à 30 francs avec sursis.
Bien que l’ordonnance pénale soit déjà exécutoire, l’accusée originaire du Brésil requiert sa levée ainsi que le versement d’une indemnisation et d’une réparation morale d’un montant de 200 francs.
De nouvelles preuves ou de nouveaux faits
La Cour suprême du canton de Zurich a donné suite à la requête de l’accusée et approuvé la demande de recours. L’autorité a levé l’ordonnance pénale et renvoyé l’affaire devant le parquet pour un nouvel examen. En outre, l’expulsion peut et doit également être réévaluée à cette occasion.
Comment en est-on arrivé là? En vertu du code de procédure pénale, la Cour suprême du canton de Zurich estime qu’un recours peut être introduit malgré un jugement exécutoire en cas de nouveaux faits ou de nouvelles preuves intervenus avant le jugement.
Ainsi, en présence de nouveaux faits ou de nouvelles preuves et si cela aboutit à un acquittement ou à un allègement significatif de la peine de la personne condamnée, même un jugement exécutoire peut être levé.
Incapable de discernement
Dans le cas spécifique de l’accusée, une nouvelle expertise sur son état mental a été présentée selon la Cour suprême du canton de Zurich. Celle-ci certifie que l’accusée présentait une irresponsabilité pénale partielle ou totale et une capacité fortement limitée à contrôler ses actes.
Ainsi, un diagnostic de trouble délirant serait suspecté chez la femme de ménage, qui bénéficie d’aides sociales. Ce trouble aurait empêché l’accusée d’occuper un emploi suffisamment rémunéré.
Selon la Cour suprême du canton de Zurich, l’expertise précise que l’«instabilité mentale» de la femme l’a également empêchée de protéger ses intérêts dans le cadre de la procédure relevant du droit des étrangers, l’estimant incapable de discernement et incapable de former sa propre volonté.
L’accusée ne pouvait pas évaluer la situation
L’accusée n’était donc aucunement en mesure de mesurer la portée du jugement et donc de son expulsion du pays. Il n’était en aucun cas évident pour la requérante qu’elle n’était plus en possession d’un permis de séjour. Le jugement de la Cour suprême du canton de Zurich stipule qu’«en raison de son trouble délirant attesté par le biais d’une expertise, la requérante ne pouvait pas savoir qu’elle n’était plus en possession d’un permis de séjour valide».
Le jugement précise que la Brésilienne n’était aucunement en mesure d’introduire un recours contre la décision en temps et en heure. L’accusée n’a donc violé ni intentionnellement ni par négligence la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration, poursuit le jugement, indiquant qu’en raison de son incapacité de discernement, la requérante n’a tout simplement pas pu se rendre compte de son tort.
La balle est dans le camp du parquet
L’expertise indique que la capacité intellectuelle de l’accusée à comprendre et à évaluer raisonnablement une situation donnée doit faire l’objet de discussions. Il serait toutefois évident que l’accusée n’est pas en mesure de porter un jugement sur la défense de ses intérêts dans le cadre d’une procédure relevant du droit des étrangers.
La Cour suprême du canton de Zurich a suivi l’expertise et a donc acquitté l’accusée malgré une ordonnance pénale exécutoire. Il appartient désormais au parquet de déterminer non seulement si la femme doit être acquittée du délit de séjour illégal en Suisse, mais aussi si son expulsion du pays doit être annulée en raison de son trouble mental.
Le jugement de la Cour suprême du canton de Zurich n’est pas encore exécutoire et peut être contesté devant le Tribunal fédéral.